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sus( de soie à 120 francs, des lainages à 60 francs le mètre, des lits de 25,000 francs, des potiches de 60,000 francs. Des nababs seuls auraient pu songer à de telles emplettes. Et au milieu de ces merveilles point de place assignée à des objets de moindre valeur et d’un usage plus courant, point d’étoffes à bon marché, point d’article de consommation populaire. Pourquoi ces oublis et ces contrastes? On les explique quand on réfléchit à la nature de l’exposition, au siège qui avait été choisi, aux distances qui le séparent des établissemens d’industrie que l’on conviait à y prendre part. Il y avait bien des frais à faire et des risques à courir, transport onéreux et détérioration des objets, installations à payer sur les lieux, déplacement et séjour d’un personnel pendant toute la saison. Des produits dans les prix modiques n’auraient jamais défrayé de telles charges, si étendue qu’en fût la vente; le moindre calcul indiquait qu’il fallait viser à la fantaisie, à l’excessif, à l’exorbitant, et chercher dans la grande aristocratie de Vienne des cliens qui fussent d’humeur et de taille à payer des prix de caprice. Peut-être, comme je l’ai dit, cette heureuse veine fut-elle survenue sans la crise du 1er mai, qui a vidé à Vienne toutes les bourses et converti en pâte à papier une partie des titres qui la veille représentaient des milliards.

J’en ai fini avec la partie brillante de l’exposition ; il ne me reste plus qu’à toucher en quelques points et dans les limites de mon cadre à ce qu’elle présentait de sérieux et de solide. Je n’en détacherai que deux sujets, les écoles et l’agriculture.

De tout temps, les écoles ont été pour l’Allemagne l’objet d’un soin vigilant, on pourrait dire d’un culte. L’enfant n’y entre pas toujours de gaîté de cœur, et, quand il en manque les heures, on le châtie sans merci; mais dès qu’on le tient, et qu’il a plié sous le joug, on l’élève du mieux que l’on peut. Ce ne sont pas les moyens ni les instrumens qui manquent; on a pu s’en assurer à Vienne dans la galerie où étaient exposés les livres, les tableaux, les modèles, instrumens et matériel en usage dans les écoles publiques de différens degrés. Il faut le dire sur-le-champ, l’unité dans l’empire d’Allemagne ne s’est pas faite pour les écoles aussi rapidement ni aussi complètement que pour l’armée; les méthodes diffèrent. Il en est qui sont un legs de l’ancienne confédération, d’autres remontent aux traditions de Pestalozzi et du pasteur Oberlin du ban de La Roche; toutes ont quelque détail adapté aux lieux et aux usages, et semblent protester contre le régime automatique qui fait l’orgueil et les délices du vrai Prussien. Cette variété se retrouvait surtout dans les expositions des états qui ont cherché le plus possible à conserver les souvenirs de leur indépendance, et portait sur le choix des livres mis ou à mettre dans les mains des enfans. Croirait-on