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privilège d’être jugés par le monarque en son tribunal privé, il fallut bien aussi créer pour eux une juridiction spéciale. Tel fut l’objet de ce qu’on appela les requêtes de l’hôtel, tribunal qui connaissait en première instance, et sauf appel au parlement, des causes des princes, des commensaux de la maison du roi et de tous ceux qui se rattachaient à la cour ou qui tiraient d’anciennes fonctions près du monarque leur origine, secrétaires du roi, membres du grand-conseil, etc.

Le nombre des justiciables des requêtes de l’hôtel alla en grossissant, car sous l’ancien régime c’était à qui prétendrait ne pas dépendre de la justice ordinaire : il comprenait tous ceux qui jouissaient du privilège dit de committimus, en vertu duquel on pouvait faire évoquer ses procès devant des juges spéciaux. Ce tribunal était formé par une certaine catégorie d’officiers appelés maîtres des requêtes, parce qu’ils avaient dans le principe mission de recevoir les requêtes ou pétitions apportées au roi. Une telle fonction les avait tout naturellement fait désigner pour tenir les plaids de la porte dont il a été question dans la première partie de cette étude. Or de quelles causes le roi pouvait-il plus légitimement connaître que de celles des officiers de sa maison ? Et au moment où il cessait de juger par lui-même, il était tout simple qu’il se fît remplacer par ceux qui recevaient les requêtes à lui adressées. Les maîtres des requêtes devinrent de la sorte les ministres de la justice personnelle du roi, des rapporteurs près de son conseil, car sur chaque placet ils faisaient un rapport à leur souverain seigneur. Aussi dès la fin du XVe siècle voit-on le roi prendre les maîtres des requêtes pour mandataires particuliers. Vers le milieu du siècle suivant, il les envoie dans les provinces comme les Carolingiens envoyaient leurs missi dominici ; ils sont chargés de presser l’exécution de ses ordres, de reconnaître la situation des affaires, de procéder, ainsi que l’avaient fait naguère les enquêteurs, à la réforme des abus.

Ces tournées dites chevauchées, parce que les maîtres des requêtes les faisaient généralement à cheval, affectèrent par la suite une certaine régularité. Au retour de la province qu’ils avaient inspectée, les délégués du roi, qui étaient non-seulement des maîtres des requêtes, mais parfois aussi des conseillers d’état, les deux fonctions ne s’excluant pas alors, présentaient leur rapport au conseil, où ils finirent par avoir voix délibérative. Ce service prit de plus en plus de régularité. Un arrêté du conseil du 23 mai 1555 établit pour base de la répartition des tournées entre les maîtres des requêtes la division du royaume par circonscriptions de généraux des finances, ou, comme on disait, par généralités. Les ordonnances d’Orléans de 1560, de Moulins de 1566, de Blois de 1579,