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s’occupât du détail de la police de la domesticité royale. Il se faisait donc remplacer par un prévôt auquel était remise la surveillance des gens du roi dans tous les lieux où la cour résidait, et cet officier devint ainsi pour le palais ce que le prévôt du connétable et des maréchaux était pour l’armée. On l’appelait le prévôt de l’hôtel. Non-seulement il arrêtait ou faisait arrêter par ses sergens les gens mal famés, les vagabonds qui s’introduisaient dans la demeure royale, mais en sa qualité de lieutenant du grand-maître d’hôtel il avait un tribunal où il jugeait les affaires civiles et criminelles dont connaissait sous le régime précédent le comte, puis le bailli du palais. La bande d’archers mise à sa disposition était commandée par celui qu’on avait surnommé le roi des ribauds, sorte de commissaire spécial de police attaché à la cour, d’où il chassait les filous, les femmes débauchées et les gens tenant brelan, qui veillait à ce que personne ne restât dans la maison du roi pendant le dîner et le souper hors ceux qui avaient bouche en cour, qui faisait sortir chaque soir ceux qui n’avaient pas droit d’y coucher. Ce singulier et presque légendaire personnage n’est plus mentionné à la fin du XVe siècle, et les sergens, que devaient bientôt remplacer les gardes de la prévôté de l’hôtel, s’acquittèrent alors sans lui de leur office. Au siècle dernier, l’ancienne milice du prévôt de l’hôtel constituait une véritable gendarmerie d’élite formant une compagnie de 60 hommes, ayant à sa tête un lieutenant-général d’épée et un assez grand nombre d’officiers à la nomination du prévôt de l’hôtel, dont la charge avait été réunie à celle du grand-prévôt de France.

Le tribunal de cet officier finit par avoir aussi un assez nombreux personnel, des lieutenans-généraux civil, criminel et de police, un procureur du roi, un substitut, un greffier. En principe, le prévôt de l’hôtel connaissait des causes civiles de toutes les personnes qui étaient à la suite de la cour, sauf appel au grand-conseil, non le grand-conseil du XIVe et du XVe siècle, qu’avait remplacé le conseil d’état, mais cette cour de justice qui en conservait le nom. Au criminel, il pouvait juger prévôtalement tous les crimes et délits de police commis dans la suite du roi. Il avait juridiction sur les fournisseurs de la maison du roi, et leur délivrait les lettres qui leur en assuraient le brevet ; il taxait le pain, le vin, la viande et toutes les denrées nécessaires pour la consommation de la cour et en avait l’inspection ; il veillait à la bonne tenue des logemens de la domesticité et au service des voitures publiques de l’hôtel. On conçoit qu’une semblable juridiction ne pût atteindre les officiers d’un ordre élevé, les possesseurs de charges de cour, gentilshommes de plus haute naissance que le prévôt de l’hôtel, et, comme ils n’entendaient pas relever des justices ordinaires et auraient pu revendiquer le