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maintenir en communication les uns avec les autres et avec Alger, et dans tel ou tel de ces villages, devenus comme de petits camps retranchés, organiser, suivant les événemens, par une concentration rapide, une nouvelle colonne capable de se porter en avant et d’opérer sur les points les plus exposés, — tel fut le plan du général, aussi promptement conçu que vivement exécuté. A la vérité, ce rideau de troupes, qui s’étendait ainsi autour d’Alger en vaste demi-cercle, était insuffisant, si l’insurrection gagnait les tribus qui bordent et occupent la Mitidja; mais la nécessité ne permettait pas de mieux faire, et d’ailleurs la présence de nos soldats, en dehors des services effectifs qu’ils devaient rendre, pouvait produire sur les tribus non encore révoltées un effet moral propre à les maintenir dans le devoir.

Le 21 avril 1871, la petite colonne expéditionnaire, chargée d’arrêter la marche des masses kabyles qui menaçaient la Mitidja, se dirigea vers le village de l’Alma, situé à 37 kilomètres d’Alger, et en vue duquel les premiers coureurs de l’ennemi s’étaient montrés la veille. Cette colonne se composait de 2,300 fantassins : zouaves, tirailleurs algériens, miliciens d’Alger, mobiles de l’Hérault, plus 200 chasseurs d’Afrique, quelques spahis et 4 obusiers de montagne. A sa tête était le colonel d’état-major Fourchault, type du soldat résolu et intelligent, porté vingt fois à l’ordre du jour de l’armée, et dont la rare bravoure inspirait à cette petite troupe la plus vive confiance. On arriva à l’Alma le lendemain à 11 heures du matin; il était temps. Au moment même où les Français pénétraient dans le village, les premières bandes kabyles couronnaient les hauteurs voisines; une heure plus tard, nous ne trouvions plus que les cadavres des habitans sur leurs maisons incendiées. La fusillade s’engage aussitôt. Une magnifique charge des spahis a lieu, balayant le terrain jusqu’aux premiers contre-forts. Le colonel Fourchault lance alors ses fantassins en tirailleurs; en quelques heures, l’ennemi est successivement délogé de toutes les crêtes qu’il occupait; surpris de cette vigoureuse attaque, il fuit, abandonnant ses gourbis, qui sont livrés aux flammes, et une quantité considérable d’approvisionnemens. Cette première affaire eut une grande importance, et la nouvelle en fut accueillie dans la colonie avec la plus vive allégresse; les Kabyles qui venaient d’être repoussés étaient suivis de 20,000 au moins de leurs coreligionnaires, tous marchant sur la Mitidja et persuadés qu’ils allaient arriver sans encombre jusque sous les murs d’Alger; ils comptaient même sur une action commune des berranis, alors en assez grand nombre dans la métropole. L’incendie des bois de la Reghaïa devait faire connaître aux gens d’Alger la prise du village de l’Alma et leur donner le signal d’agir. Rassurés désormais contre toute attaque, les cultivateurs qui avaient fui de la plaine purent regagner leurs demeures pour n’en plus sortir.