Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/550

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pire. Les femmes de naissance plus obscure et qui ne pouvaient espérer entrer dans « le petit sénat » n’en formaient pas moins des sociétés qui n’étaient pas sans importance. Il est arrivé même à ces sociétés de s’insinuer dans les affaires municipales et d’y jouer un certain rôle. On y délibérait sur des récompenses qu’on voulait accorder à un magistrat de la ville, on y votait des fonds pour élever des monumens et des statues. Dans les élections, les femmes ne sont pas admises à donner leur suffrage, mais il ne leur est pas interdit de recommander le candidat qu’elles préfèrent. Parmi les réclames électorales qui remplissent les murs de Pompéi, beaucoup sont signées par des femmes. Quand elles étaient riches et de bonne naissance, mariées à des personnages importans qui occupaient les premières magistratures, la reconnaissance de leurs concitoyens ne les séparait pas de leurs maris et leur élevait des monumens en commun. Souvent aussi elles cherchent à provoquer cette reconnaissance par des bienfaits particuliers dont elles comblent leur pays : elles construisent des temples, des portiques, elles ornent le théâtre, elles donnent des jeux en leur nom. Les villes paient toujours ces bienfaits par des honneurs publics. Les femmes y reçoivent à peu près les mêmes hommages et prennent les mêmes titres que les hommes. Les grandes associations se mettent sous leur patronage ; on les appelle « mères et protectrices du municipe, » et cette dignité leur est accordée à la suite d’une délibération solennelle qui en rehausse le prix. Nous avons le texte d’un décret de ce genre, rendu par le sénat d’une ville d’Italie en l’honneur d’une grande dame, Nummia Valeria, prêtresse de Vénus ; il y est dit que « tous les sénateurs sont d’accord qu’il est juste de lui donner le nom de protectrice de la ville, qu’il faut obtenir de sa bonté qu’elle veuille bien accepter volontiers et de bon cœur ce titre qu’on lui offre, qu’elle daigne recevoir chacun des citoyens en particulier et la république en général dans la clientèle de sa maison, et que, toutes les fois que l’occasion s’en présentera, elle la défende et la protège par sa puissante intervention, qu’enfin on lui demandera qu’elle permette de lui présenter une table d’airain contenant le décret qu’on vient de rendre, et qui lui sera remis par les magistrats de la ville et les premiers du sénat. » Sans doute on ne doit pas exagérer l’importance de ces hommages : c’étaient des titres honorifiques qui ne conféraient pas de pouvoir réel ; il n’en est pas moins vrai de dire que sous l’empire romain les femmes s’approchaient plus de la vie publique qu’il ne leur est permis de le faire aujourd’hui.