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quelques-uns de ces cultes avaient une grande importance et une sorte de caractère officiel, qu’elles étaient chargées de prier pour tous les citoyens et portaient quelquefois le titre de sacerdos publica, on prenait l’habitude de ne pas les séparer des autres magistrats de la ville. Elles avaient ; part aussi au culte des césars, qui était si étroitement lié à l’administration des provinces et des municipes, et devenaient prêtresses des impératrices déifiées. Pour honorer Livie et Faustine, quand un décret du sénat leur eut décerné l’apothéose, on faisait choix de l’épouse de quelque personnage important, qui lui-même était revêtu de fonctions civiles, et qui souvent était prêtre d’Auguste et d’Antonin. Le mari et la femme avaient des attributions semblables ; nommés tous les deux de la même façon, par le suffrage des mêmes personnes, ils remerciaient leurs électeurs en leur faisant les mêmes présens. Les flaminicœ élevaient des monumens et donnaient des jeux comme les flamines, et leur libéralité était payée de la part de leurs concitoyens par Les mêmes hommages. Les femmes devaient donc à la religion ces honneurs qui satisfaisaient leur vanité et cette sorte d’importance dont elles étaient fières. Il était naturel qu’elles lui en fussent très reconnaissantes.

La seule raison qu’on pourrait avoir de penser qu’elles ne tenaient guère aux dieux anciens, c’est qu’elles ont toujours été les premières à se précipiter vers les nouvelles divinités ; mais on a tort de regarder cet empressement pour les cultes étrangers comme une sorte de protestation contre le culte national : il faut y voir plutôt une conséquence naturelle des sentimens religieux que ce vieux culte avait développés dans leur cœur. Ce n’est pas en haine des dieux de leur pays qu’elles faisaient un si bon accueil à ceux des pays voisins ; c’était au contraire la piété qu’elles éprouvaient pour les divinités de Rome qui les disposait à bien recevoir celles de tous les peuples. Une dévotion les menait à l’autre, et elles les accommodaient toutes ensemble. Quand l’ardeur de leurs sentimens pieux ne trouvait plus à se satisfaire dans leur antique religion, elles cherchaient à se contenter ailleurs, mais ces pratiques nouvelles n’étaient qu’une sorte de complément et de surcroit ; elles n’effaçaient pas le respect que l’on gardait toujours pour les anciennes. Au sortir des temples d’Isis ou de Cybèle, les femmes n’oubliaient pas d’aller prier Junon et Minerve au Capitole, ou Diane sur l’Aventin. Ce mélange, qu’elles se permettaient sans scrupule, dura jusqu’au jour où la même piété qui les avait conduites dans les sanctuaires des dieux de l’Égypte et de la Syrie les jeta au pied des autels du Christ. Cette fois elles eurent affaire à une religion jalouse, qui ne souffrait pas de partage, et il leur fallut se décider entre leur nou-