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taisie. Rome était entourée de nations civilisées, et dès ses premières années elle en a subi l’influence. Pouvait-elle se trouver mêlée aux Étrusques et aux Grecs sans prendre dans ces relations quelque goût pour le luxe, quelque connaissance des arts, quelque souci de l’élégance ? Si haut qu’on remonte dans son histoire, il est difficile d’arriver a la barbarie. Les Tarquins font venir des pays voisins des sculpteurs et des architectes et bâtissent des monumens magnifiques. Dans le plus ancien tombeau des Scipions, l’inscription est entourée d’ornemens gracieux qui trahissent la main d’un Grec ; c’était pourtant l’époque où Curius mangeait ses légumes dans une écuelle de bois. De tout temps, les Romaines ont connu et ont aimé ces beaux bijoux d’or, ces bracelets et ces colliers délicats, ces miroirs d’acier, ces cassettes merveilleusement travaillées qu’on retrouve en si grande quantité dans les tombes de l’Étrurie. L’énumération de tous les artistes qu’elles employaient alors pour leur toilette remplit plusieurs vers de Plaute, et un jour, du temps du vieux Caton, elles firent une émeute pour qu’on leur rendit le droit de porter des anneaux d’or et des robes de pourpre, et qu’on leur permît de se promener en voiture quand elles le trouveraient bon. Il y a donc chez elles comme une tradition d’élégance et de luxe qu’on peut suivre à travers, toute l’histoire romaine, depuis les rois jusqu’aux empereurs. Il serait difficile d’admettre que, dans une société où l’on prenait tant de peine pour leur parure, on n’ait pas eu quelque souci de leur éducation ; seulement l’éducation qu’on leur donnait devait dépendre des qualités qu’on exigeait d’elles et du rôle qu’on leur assignait dans la vie.

L’idée que les anciens Romains se faisaient de la mère de famille était grave. La matrone devait conduire la maison et partager avec le mari le gouvernement domestique. Ces fonctions demandaient un esprit sérieux, un caractère résolu : c’étaient aussi les mérites qu’on prisait le plus chez les femmes, ce sont ceux que Plaute leur attribue dans toutes ses pièces. La douceur, la grâce la tendresse, semblent réservées chez lui aux courtisanes. Les jeunes filles ou les femmes de naissance libre qu’il met sur la scène ne connaissent pas les effusions ou les emportemens de la passion, elles ne sont jamais timides ni rêveuses : elles ont un air décidé, elles parlent d’un ton ferme et viril. Dans la pièce intitulée les Perses, un parasite éhonté veut mêler sa fille à une basse intrigue qui doit lui procurer de bons dîners pour le reste de ses jours. Elle résiste avec une fermeté froide ; pour échapper à ce danger que court son honneur, elle n’a pas recours aux gémissemens et aux larmes, elle est grave, sentencieuse, elle discute et raisonne. « Nous sommes bien pauvres, dit-elle à son père, mais plutôt que de faire ce que tu veux il vaut mieux