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LES FEMMES À ROME
LEUR ÉDUCATION ET LEUR RÔLE DANS LA SOCIÉTÉ ROMAINE

I.

Cicéron reproche à la constitution romaine d’avoir négligé l’instruction publique ; ce reproche est vrai surtout pour l’éducation des femmes. Nous ne voyons pas que l’état s’en soit jamais sérieusement occupé, et les particuliers, sur lesquels il se décharge de ce devoir, ne paraissent pas non plus s’être donné beaucoup de mal pour le remplir. Il nous reste à ce sujet des renseignemens si courts et si vagues qu’une des choses de l’antiquité que nous savons le moins et que nous voudrions le mieux connaître, c’est comment à Rome on élevait une jeune fille.

Il est hors de doute qu’on n’a pas dû les élever toujours de la même façon. Ce n’est que dans les romans de Mlle de Scudéry que les contemporaines de Brutus ressemblent aux grandes dames de la cour d’Auguste. Il est probable que Clélie n’a jamais connu la philosophie de Pythagore, et qu’elle ne jouait pas à des jeux d’esprit avec ses compagnes ; mais il ne faudrait pas non plus aller trop loin, et nous représenter les Romaines de ce temps tout à fait comme des barbares. Ce sont les moralistes de la république et de l’empire qui ont pris plaisir à les dépeindre ainsi pour faire des leçons à leur siècle. Quand ils veulent reprocher aux femmes de leur époque leurs dépenses folles et leur luxe ruineux, ils ne manquent pas d’exagérer la simplicité et la rudesse de leurs devancières. Varron les montre « qui filent la laine en ayant l’œil sur la soupe pour ne pas la laisser brûler, et ne connaissent d’autre divertissement que d’aller se promener deux ou trois fois par an en charrette avec leur mari. » Ce sont là des tableaux dans lesquels il entre beaucoup de fan-