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allemand très timide; la reine est charmante. Elle ressemble beaucoup à la princesse Clotilde, mais en beau; c’est une édition corrigée. Elle a le teint d’un blanc et d’un rose rares, même en Angleterre. Il est vrai qu’elle a les cheveux rouges, mais du rouge très foncé à la mode à présent. Elle est fort avenante et polie. Ils avaient avec eux un certain nombre de caricatures mâles et femelles, qui semblaient ramassées exprès dans quelque magasin rococo. Le ministre de Portugal, mon ami, a pris la reine à part, et lui a appris sur mon fait une petite tirade que sa majesté m’a aussitôt répétée avec beaucoup de grâce. L’empereur m’a présenté au roi, qui m’a donné la main, et m’a regardé avec deux gros yeux ronds ébahis qui ont failli me faire manquer à tous mes devoirs. Un autre personnage, M. de Bismarck, m’a plu davantage. C’est un grand Allemand, très poli, qui n’est point naïf. Il a l’air absolument dépourvu de gemüth, mais plein d’esprit. Il a fait ma conquête. Il avait amené une femme qui a les plus grands pieds d’outre-Rhin et une fille qui marche dans les traces de sa mère. Je ne vous parle pas de l’infant don Enrique ni du duc de Mecklembourg, je ne sais quoi. Le parti légitimiste est dans tous ses états depuis la mort du général Lamoricière. J’ai rencontré aujourd’hui un orléaniste de la vieille roche pour le moins aussi désolé. Comme on devient grand homme à peu de frais à présent! Veuillez me dire ce que je puis lire des belles choses faites depuis que j’ai cessé de vivre parmi le peuple le plus spirituel de l’univers. Je voudrais bien vous voir. Adieu, je vais me soigner jusqu’à ce que les fêtes de Compiègne me rendent malade.


Montpellier, 20 avril 1868.

Chère amie, j’ai été si souffrant avant de venir ici, que j’avais perdu tout courage; il m’était impossible de penser, à plus forte raison d’écrire. Le hasard m’a fait savoir qu’il y avait à Montpellier un médecin qui traitait l’asthme par un procédé nouveau, et j’ai voulu essayer. Depuis cinq jours que je suis en traitement, il me semble que mon état s’est amélioré, et le médecin me donne assez bon espoir. On me met tous les matins dans un grand cylindre de fer, qui, je dois l’avouer, a l’air de ces monumens élevés par M. de Rambuteau. Il y a un bon fauteuil et des trous avec des glaces qui donnent assez de jour pour lire. On ferme une porte en fer et on refoule de l’air dans le cylindre avec une machine à vapeur. Au bout de quelques secondes, on sent comme des aiguilles qui vous entrent dans les oreilles. Peu à peu on s’y habitue. Ce qui est plus important, c’est qu’on y respire merveilleusement. Je m’endors au bout d’une demi-heure malgré la précaution que j’ai d’apporter la Revue des Deux Mondes. J’ai déjà pris quatre de ces bains d’air comprimé et je me trouve assez sensiblement mieux. Le médecin qui me gou-