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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 novembre 1873.

Qui donc nous délivrera des obscurités et des fantômes, des équivoques, des malentendus et des sous-entendus ? D’où viendra donc l’inspiration de bon sens et de patriotisme capable de vaincre, de mettre en fuite ce malfaisant génie des divisions et des confusions énervantes qui s’acharne sur nous ? On s’était dit un instant qu’après un interrègne parlementaire plein de troubles et de stériles agitations l’assemblée nationale rentrant à Versailles allait du moins tout éclaircir et tout simplifier par la netteté décisive de ses résolutions ; on s’était fait cette illusion qu’au grand jour des débats publics toutes les ombres s’évanouiraient, qu’il ne resterait plus que le sentiment des intérêts supérieurs de la France, et que, sous la pression même de ce sentiment souverain, les questions les plus graves trouveraient une solution naturelle, suffisamment rassurante.

C’est une fatalité, la France n’est vraiment pas heureuse. L’assemblée est revenue à Versailles, depuis dix jours elle a repris ses séances, et tout ce qui en est résulté jusqu’ici a été une aggravation de toutes les incertitudes, une lésion nouvelle des choses. Ce ne sont que dépits, irritations, méfiances, propositions et contre-propositions, tactiques et combinaisons de guerre plus ou moins savantes, habiletés douteuses s’agitant dans la confusion des partis. Sérieusement, allons-nous vivre longtemps dans cette atmosphère où tout se rapetisse et s’énerve, où l’esprit public finit par s’égarer et s’abêtir, où les intérêts de toute sorte languissent, comme on l’a dit fort justement, et où l’on semble oublier qu’il y a là une nation qui souffre, qui attend, qui demande non sans une impatience croissante quel lendemain on veut lui faire. Le lendemain viendra sans doute ; une nation ne disparaît pas ainsi dans une crise, parce que des partis impitoyables et aveugles se laissent entraîner à des luttes mesquines. Croit-on cependant qu’un pays comme la France