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la musique, et le ne la laisserai pas échapper sans dire quelques mots d’un traité sur la voix dont les plus habiles auront à profiter. Voci e Cantanti, ces pages sont écrites dans la langue de Porpora et nous viennent en droite ligne d’Italie, désormais la patrie adoptive de l’auteur, qui, mal récompensé sinon méconnu à Paris, a fini par aller demander à Milan et à Florence la juste consécration de ses travaux et de son mérite. Tous, ceux qui. portent intérêt à ce bel art du chant connaissent de près ou de loin l’enseignement de M. Panofka, — enseignement raisonné, sévère, un peu abstrait et s’appuyant sur les principes du grand professorat en honneur au dernier siècle. Restaurer en Italie même une méthode qui fut jadis une des gloires de l’Italie, c’était pour un étranger faire œuvre nationale ; aussi tous les conservatoires du royaume l’ont accueilli spontanément. Technique et spécial comme il sied à un traité, le livre de M. Panofka touche à des questions d’un ordre plus général, à la physiologie par exemple : les conditions bonnes ou mauvaises de la voix à l’état naturel y sont l’objet d’études curieuses ; vous apprenez par quels moyens on arrive tantôt à déguiser d’incurables défauts, tantôt, à donner tout leur essor aux qualités latentes. Apprendre n’est point tout dans un art qui, comme le chant, a sa partie imitative, et quel avantage pour l’artiste, si ces voix qu’il n’a pu matériellement apprécier, ces voix illustres, légendaires des David, des Braham, des Donzelli, des Rubini, des Nourrit, des Duprez, lui sont rendues avec une précision photographique par un maître qui les a non-seulement toutes entendues, mais qui les a toutes aimées, senties ! L’ancien professorat faisait durer les voix qu’il élevait ; nous autres, nous les tuons. Je recommande aux esprits que ce sujet préoccupe les chapitres sur les fatigues vocales, le timbre, la respiration, l’attaque, la prononciation (quelle que soit la langue où l’on s’exerce) et sur la recherche du son : tout cela est judicieusement observé, clairement énoncé, vrai et opportun.

La critique doit tenir compte de tout, et, quand des résultats d’un genre absolument phénoménal se posent devant elle, son métier est de chercher à les expliquer. Ici nous abordons la question de la Fille de madame Angot et de l’incroyable succès qui depuis un an s’attache à cette pièce, irrésistiblement victorieuse et des feux de l’été et des soucis de la politique. En juillet, en août, quand les recettes fléchissaient à l’Opéra, quand, à la Comédie-Française l’Absent, l’Avocat chez lui, et tout ce dessous du panier que le théâtre garde en réserve pour ses vacances, se jouaient dans le désert, quand le Gymnase agonisait, les Folies-Dramatiques refusaient du monde ! Pas un seul jour ce succès n’a varié. Les chanteurs s’en vont ou reviennent, le ténor d’hier, quel ténor ! passe la main à celui d’aujourd’hui, rien n’y fait. Qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, que la bourse monte ou qu’elle baisse, salle comble et toujours salle comble ! Ce petit théâtre, en jouant chaque soir