Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/453

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aussi prennent-ils fort à cœur le droit de déconseiller les examens aux élèves mal préparés ; mais, comme en définitive les élèves ne sont pas tenus de suivre le conseil, on trouve plus sûr d’arrêter dès les plus basses classes ceux qui ne sont pas en état de profiter des études classiques. Ainsi les examens de passage deviennent une condition vitale pour le gymnase. Le résultat de cette organisation, c’est que la proportion des refusés est peu considérable : elle n’atteint pas un sixième. Et il ne faut pas croire d’après cela que le gymnase soit tous les ans, aux examens de passage, le théâtre d’exécutions impitoyables : l’usage est aujourd’hui si bien établi de ne pas. laisser monter dans les classes supérieures ceux qui ne sont pas en mesure de les suivre, que les condamnés ont l’habitude de prévenir ; le moment fatal par un départ volontaire.

Un autre avantage de l’organisation allemande, c’est qu’elle assure aux directeurs et aux professeurs des gymnases une grande autorité. L’élève sait que, le jour de l’épreuve venu, leur jugement pèsera dans la balance d’un poids presque décisif. Tandis que chez nous l’attention du candidat est attirée hors de la classe pour prendre le vent de l’examen et savoir les exercices et les matières qui comptent, l’élève allemand est obligé de se convaincre que le chemin le plus sûr pour franchir l’épreuve finale, c’est de satisfaire ses maîtres et de remplir sa tâche journalière. Le professeur n’est pas réduit à faire aux paresseux des prédictions trop souvent, démenties par l’événement : il est en mesure de donner une sanction à ses menaces. Un si grand pouvoir laissé au maître pourrait sans ; doute avoir quelquefois des inconvéniens, si celui-ci ne savait pas que l’examen doit justifier aux yeux de la commission le jugement défavorable par lui porté sur tel ou tel élève.

Un troisième avantage du baccalauréat allemand, c’est qu’il permet au représentant du gouvernement de bien juger la valeur des études qu’on fait dans une maison. Si elles sont faibles, ses reproches s’adresseront non pas aux écoliers, qui après tout en sont innocens, mais, au directeur et aux maîtres. Il dispose d’un moyen coercitif plus efficace et plus redouté que l’exclusion des candidats : il peut demander au gouvernement de retirer au gymnase le droit de conférer le diplôme. On comprend sans peine qu’une décision de ce genre équivaut à peu près à une condamnation capitale, car la plus grande partie des élèves se détournera d’un établissement où ils sont placés dans une situation peu favorable. Un haut fonctionnaire prussien qui a longtemps inspecté les gymnases en qualité de commissaire royal m’a dit qu’il avait plus d’une fois usé de ce droit, et non-seulement il en a fait application à des établissemens dont les études périclitaient, ou dont les maîtres n’avaient pas les grades