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LE
BACCALAUREAT ALLEMAND

Au moment où il est de nouveau question chez nous de modifier le baccalauréat ès-lettres, je pense qu’il ne sera pas inutile de présenter la description de l’examen qui y correspond en Allemagne. La fréquence des remaniemens doit nous engager à chercher s’il n’y a pas dans l’institution elle-même quelque cause de faiblesse. Pour le dire dès à présent, je ne crois pas que, dans l’état où est notre pays, nous puissions transporter chez nous l’organisation du baccalauréat allemand ; mais peut-être y pourrions-nous faire utilement quelques emprunts, et en tout cas, après l’avoir étudié, nous apercevrons plus clairement les raisons de cette instabilité.

Je sais qu’il répugne à beaucoup d’esprits d’aller aujourd’hui chercher des modèles en Allemagne. L’imitation leur paraît chanceuse : nous devons prendre garde de perdre nos qualités sans être sûrs pour cela de gagner les qualités de nos voisins. C’est un sentiment que je respecte et que sur certains points le partage. S’il fallait quelque chose pour le justifier, ce serait la vue de ce qui se passe, depuis nombre d’années, de l’autre côté du Rhin. L’Allemagne nous a emprunté plus d’une fois ce qui avait d’abord été déprécié par elle. Cependant, si nous avons nos mérites qu’il faut conserver et accroître, il serait bien déraisonnable de fermer les yeux sur les autres nations par peur de compromettre notre originalité. Ceux qui craignent que nous ne devenions les copistes de l’Allemagne peuvent se rassurer : si nous l’imitons jamais en ce qu’elle a de bon, ce ne sera qu’à notre manière, et il nous sera impossible de n’être pas nous-mêmes en l’imitant. C’est ainsi que la société française a fait en d’autres temps : elle a pris successivement pour modèles l’Italie, l’Espagne, l’Angleterre, et elle ne fut jamais si