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brûlerait l’acte ; si au contraire de nouvelles difficultés survenaient, il le remettrait à Satyros en personne.

Toutes les précautions semblaient bien prises ; le contrat était garanti par une clause pénale qui y faisait intervenir Satyros. Or Pasion, qui devait avoir des intérêts engagés dans le Bosphore, ne se soucierait pas d’en mécontenter le prince. Aussi le banquier avait-il en ce moment le ton très humble ; c’est que la convention conclue n’avait pas suffi à le tirer des embarras où il s’était plongé par ses propres artifices. Ménexène, qui s’était vu accuser par lui d’avoir suborné un esclave et commis ou conseillé un vol, avait fort mal pris la chose ; il avait intenté une action pour son propre compte, il exigeait que Kittos fût mis à la torture, il réclamait de Pasion, à titre de dommages et intérêts, une somme égale à la caution que celui-ci l’avait obligé à fournir. Pasion suppliait celui de ses deux adversaires avec lequel il s’était réconcilié de décider l’autre à retirer sa plainte ; mais le fils de Sopæos refusait de s’en mêler et le laissait s’arranger comme il l’entendrait avec Ménexène. Pasion mourait de peur que Ménexène n’entendît parler du contrat qu’il avait consenti à signer, car alors tout était perdu. Ménexène aurait contraint son ami à produire cet acte devant le tribunal ; tout le monde aurait su que le banquier reconnaissait la dette si effrontément niée, et la chose aurait fait scandale à Athènes. Pour sortir de cette situation, Pasion fit un nouveau coup de partie. Il réussit à corrompre un des esclaves du capitaine auquel avait été confié l’accord conclu ; il se procura, par l’entremise de celui-ci, le texte même de l’acte, il le falsifia et le fit remettre en place par son complice. Cette opération terminée, il relève la tête, il reprend son impudence accoutumée ; aux premières démarches de son client, qui le priait de partir enfin pour l’Euxin, il répond qu’il ne songe nullement à ce voyage, et qu’il ne doit plus rien à cet importun qui le persécute de ses réclamations. On insiste ; Pasion demande que l’acte soit ouvert et lu devant témoins. On y consent, et on y trouve une décharge générale donnée par l’étranger à son banquier. On voit d’ici la surprise de Ménexène et de son ami. A celui-ci, s’il ne voulait point perdre son argent et de plus passer pour un calomniateur, il ne restait plus qu’une voie, un procès intenté à Pasion devant les juges athéniens ; il s’agissait de prouver que Pasion avait commis ce que nous appellerions un faux en écriture privée.

La chose souffrit encore, à ce qu’il semble, quelque délai. L’étranger fit un voyage jusque dans le royaume du Bosphore. Pasion avait persisté à refuser de l’accompagner, mais il avait envoyé là-bas son esclave et confident Kittos. Le jeune homme et l’agent du banquier exposèrent l’affaire, chacun à son point de vue, devant