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fit payer. Dans ce cas, l’intérêt pouvait s’élever à 30 et 35 pour 100 sans que personne y trouvât à redire, et sans que l’emprunteur y perdit. Les banquiers, qui connaissaient les capitaines et savaient choisir les plus habiles et les plus honnêtes, employaient souvent ainsi une partie des capitaux que leurs cliens avaient déposés chez eux en compte-courant.

Les banquiers avaient des journaux, des livres, auxquels les orateurs et autres écrivains anciens font de fréquentes allusions ; ils tenaient leurs écritures en partie double, et toutes les sommes qui leur passaient par les mains figuraient sur ces registres avec la date de l’entrée et de la sortie. Ce n’était point seulement dans la ville où la banque avait son siège principal qu’elle pouvait rendre ce service à ses cliens ; grâce à ses relations, à ce que nous appellerions ses correspondans, elle était en position d’opérer pour leur compte des remises sur d’autres places. Un de nos jurisconsultes les plus savans, M. Caillemer, a prouvé que les Athéniens ont connu la lettre de change ou tout au moins le chèque, et que chez eux le contrat de change pouvait même être fortifié par un aval, espèce de cautionnement au moyen duquel un tiers vient garantir le paiement de la lettre de change. Le passage d’Isocrate où il trouve une claire mention de ce fait rappelle même le motif qui a donné naissance à cette institution, le désir de soustraire une somme d’argent aux risques du voyage. Les banquiers athéniens allèrent-ils plus loin, eurent-ils l’idée de céder la lettre de change par voie d’endossement et de mobiliser ainsi la créance ? M, Caillemer incline à le croire. La législation athénienne sur les obligations diffère très fort de la législation romaine, qui assujettit à de nombreuses formalités la cession des droits incorporels ; par le remarquable caractère de simplicité qu’elle présente, elle se rapproche à bien des égards des principes admis par nos codes modernes. Il y a là des analogies qui ont leur valeur ; on n’a pourtant jusqu’ici rien trouvé dans les textes qui nous autorise à penser que la créance née du contrat de change n’ait pas été à Athènes forcément personnelle, que la loi ou l’usage ait permis de la transmettre à un tiers. Renonçons donc jusqu’à nouvel ordre à revendiquer pour les trapézites grecs le mérite d’avoir doté le commerce de ce merveilleux instrument ; laissons-en l’honneur aux Juifs et aux Italiens du moyen âge, dont les titres sont mieux établis.

Que les banquiers athéniens aient fait ce pas décisif ou qu’ils se soient arrêtés à mi-chemin, — ce qui n’est point douteux, c’est que petit à petit, par la force des choses, on en vint à leur demander des services qu’ils ne semblaient point d’abord appelés à rendre. Ils étaient en relation avec tous ceux des citoyens qui