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d’honneur à leur esprit inventif qu’à leur moralité ; mais n’en est-il pas de même dans nos sociétés modernes, et les avantages que procurent à un peuple le développement du crédit et l’esprit d’entreprise ne compensent-ils pas le mal que peuvent causer les intrigues et les fraudes de quelques spéculateurs déshonnêtes ? Si les banquiers athéniens, si Pasion, Phormion et leurs confrères n’avaient été que des fripons, ils n’auraient point inspiré la confiance qui faisait affluer dans leurs caisses les dépôts des étrangers et des citoyens, les dariques de la Perse, les statères de Cyzique, les tétradrachmes d’Athènes. Sans se dissimuler des fautes et des abus qui sont de tous les temps, on comprendra, par les détails que fournissent les orateurs sur ce groupe et sur son rôle social, quels services rendaient les trapézites, et comment plusieurs d’entre eux, partis de fort bas, obtenaient vers la fin de leur carrière une considération que la cité même leur marquait par d’honorables et publics témoignages.

Comme toutes les sociétés encore dans l’enfance, la société grecque, pendant de longues années, n’avait connu qu’une forme de la richesse, la terre et ce qui servait à la féconder, instrumens de labour, bétail, esclaves. À ce premier fonds s’ajoutèrent avec le temps le luxe de la maison, les meubles, les armes, les objets de prix, les bijoux de toute espèce. Quand les métaux précieux furent découverts et que l’on sut les travailler, les joyaux devinrent, par la matière comme par la façon, un capital condensé sous un moindre volume et déjà bien plus mobile. Un nouveau pas fut fait par l’invention de la monnaie ; ce fut, à ce que l’on croit, vers le VIIe siècle que l’usage commença à s’en répandre dans le monde grec.

On avait là désormais une sûre et commode représentation du travail accumulé ; sous cette forme, l’épargne pouvait s’employer à produire d’autres valeurs, louer ses services, et enrichir tout à la fois son propriétaire et ceux qui s’assuraient son concours en lui promettant une redevance dont le taux était réglé par la loi de l’offre et de la demande ainsi que par la mesure des risques à courir. Pourvu d’un tel moyen d’échange, servi par les dispositions naturelles d’une race semée dans des îles nombreuses et sur des côtes profondément découpées, le commerce maritime de la Grèce ne cessa de se développer pendant le cours du VIIe et du VIe siècle, après que l’Égypte se fut ouverte aux Hellènes et que les Phocéens furent entrés en relation avec la Gaule et avec l’Espagne même. La réserve monétaire considérable qui s’accumula peu à peu dans les principales cités grecques s’employait en prêts à intérêt, surtout en prêts maritimes ou prêts à la grosse aventure, qui donnaient les plus beaux profits ; il en résulta que des intermédiaires devinrent bientôt nécessaires entre les emprunteurs et les capitalistes. Ceux-ci étaient souvent les premiers citoyens de leur ville, des hommes que