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sciences, les arts, les lettres, en sont partout les expressions sublimes et les preuves irrécusables ; notre industrie en porte l’universel témoignage ; notre commerce est le plus régulier et le plus prudent de tous : dans ces derniers jours, alors que des crises sans cause apparente et sans motif sérieux éclataient à Vienne, à Berlin, aux États-Unis, Paris et la France ont fait preuve d’une solidité sans égale qui atteste leur bon sens. Sur un seul terrain, celui de la politique, la raison semble nous abandonner, et des passions sans excuse ou des préjugés futiles dérangent incessamment les têtes et troublent les cœurs. Un tel mal suffirait à détruire les autres biens qui nous ont été si largement départis, et rendrait vains tous les calculs qui peuvent être faits pour les progrès de notre prospérité matérielle. Nous ne voulons pas le croire sans remède ; nous avons le ferme espoir que, tant par la sagesse de ceux qui sont appelés à le conduire que de lui-même, et grâce à une expérience cruellement acquise, notre cher pays saura enfin jouir d’un régime politique conforme à sa nature, à son histoire, à ses besoins d’ordre, de liberté et de grandeur. Pour le préparer ou l’attendre, rien ne vaut le travail ; soit que le gouvernement actuel se consolide et se constitue sous la forme d’une république définitive, soit qu’il fournisse seulement une étape vers un pouvoir héréditaire, dont l’établissement présente de grands problèmes à résoudre, la nécessité à laquelle il faut pourvoir sur l’heure, c’est la continuation de cette activité matérielle qui nous a sauvés après les événemens de 1870-1871, qui diminue aujourd’hui, et qui ne pourrait s’arrêter sans le plus grand péril. Aux anxiétés de la politique, aux déceptions d’une mauvaise récolte, aux embarras suscités par les crises financières qui ont éclaté partout en Europe et en Amérique, gardons-nous à tout prix d’ajouter la maladie mortelle d’une paralysie commerciale et industrielle qui envahirait quelques parties de notre pays. — Rien ne doit coûter pour s’en défendre, ni l’impôt, ni l’emprunt. Ils donnent l’un et l’autre la matière du travail, dont le billet de banque est l’outil principal. Avant tout, l’état doit donc garantir la solidité des billets, et pour cela se libérer le plus tôt possible vis-à-vis de la Banque. Il doit de même, puisque l’impôt seul ne peut suffire à rétablir l’équilibre du budget et en même temps à subventionner les grandes entreprises d’utilité générale dont l’urgence ne saurait être discutée, recourir de nouveau à l’emprunt. Les conditions en seront plus ou moins favorables, l’émission plus ou moins prochaine, selon les hasards de la politique ; mais dès à présent la logique commande de prévoir comme certaine et désirable cette fin dernière de nos embarras financiers.


BAILLEUX DE MARISY.