AUTOBIOGRAPHIE DE MACHIAVEL
La discussion sur les intentions de Machiavel dans le Prince ne finira-t-elle jamais, et serons-nous toujours réduits à nous demander si c’est de bonne foi qu’il a écrit un manuel de politique astucieuse et violente à l’usage des tyrans, comme si l’on écrivait de bonne foi des leçons de scélératesse, ou bien serons-nous contraints de supposer qu’il a voulu, pour l’instruction des peuples, dévoiler les plus odieux secrets du gouvernement despotique, semblable à cet orateur de l’antiquité qui, portant la parole devant un tribunal, n’élevait la voix bien haut que pour la galerie, et songeait beaucoup moins aux juges qu’aux braves quirites amassés autour du forum ? Dans ce cas, il fallait que le publiciste le plus fin que Florence ait possédé comptât beaucoup sur la sagacité du vulgaire et bien peu sur la pénétration du despote auquel il dédiait son livre et adressait ses conseils.
Voici qu’un philosophe érudit complique la question : il fait un curieux rapprochement entre le livre de Machiavel et celui d’un certain Niphus, Nifo, professeur à l’université de Pise, et il déclare que celui-ci a pillé celui-là, que le professeur a fait plus qu’imiter, qu’il a copié le publiciste, et en effet, s’il y a larcin, c’est le premier qui est le plagiaire. On regrette que cette accusation, quoiqu’elle porte sur un homme aujourd’hui tombé dans l’obscurité, ne soit pas appuyée sur quelques textes mis sous les yeux du public. Un ou deux passages confrontés auraient été plus concluans, plus piquans