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française que M. Thiers avait arraché à l’assemblée les lois sur les matières premières et dénoncé les traités de commerce, afin de pouvoir modifier la législation commerciale. Quelques mois plus tard, l’assemblée revenait sur toutes ces mesures comme sur la loi des surtaxes de pavillon, qui, en imposant un droit aux navires étrangers, avait eu pour but de favoriser la marine nationale. Dans ces deux cas, les mœurs publiques, quelque récente que fût la conversion aux principes de la liberté commerciale, avaient été plus fortes que les intérêts des uns et les systèmes des autres.

Cette résistance si difficile à vaincre des habitudes en matière d’impôts a éclaté encore avec plus d’évidence dans les tentatives faites à diverses reprises dans l’assemblée pour introduire un impôt que beaucoup d’autres pays ont adopté avec succès, que l’on prétend basé sur la justice la plus rigoureuse, mais que des difficultés de mise en œuvre ont fait ajourner l’impôt sur le revenu. — Théoriquement indiscutable, s’il était appliqué aux revenus immobiliers, aux bénéfices des professions diverses, il tournerait bien vite au détriment des locataires d’immeubles et des cliens de tout genre, tandis que le revenu imposé ne serait pas diminué, — de même que pour tous les impôts indirects ce n’est ni l’industrie ni le commerce, c’est la consommation seule qui les paie. L’impôt sur le revenu, écarté par le chef de l’état en 1871, introduit pour partie seulement et sous le nom d’impôts sur les revenus dans la loi du 28 juin 1872, a été appliqué aux produits de certaines valeurs mobilières et de bénéfices commerciaux dans une mesure assurément fort modeste : il n’y a rien d’exagéré à prélever un droit de 3 pour 100 sur le revenu des actions et obligations des sociétés civiles et commerciales, françaises et étrangères circulant en France, sur les arrérages des emprunts des départemens et communes, sur les bénéfices des parts d’intérêts et commandites dans les sociétés non divisées en actions. Cet impôt, que les prévisions portaient à un chiffre annuel de 20 millions, était justement qualifié, dans le remarquable rapport de M. Gouin sur le budget de 1873, d’impôt entièrement nouveau. Jusqu’alors les valeurs mobilières avaient subi des droits de timbre et de mutation successivement accrus ou étendus à un plus grand nombre de titres français ou étrangers ; mais aucun revenu n’avait été directement et nominalement atteint. L’assemblée nationale avait augmenté des taxes existantes, assimilé de nouveaux objets imposables à d’anciens, rétabli d’anciennes lois ; cette fois elle faisait un pas en avant, modifiait le régime fiscal, mais évitait tout impôt qui eût exigé une déclaration du contribuable. En même temps que le revenu des créances hypothécaires était frappé du même droit, et que la surélévation des centimes sur