l’histoire de cette servante qui goûtait en cachette au flacon où sa maîtresse buvait l’élixir de jeunesse ; il arriva qu’un jour elle en but un coup de trop, et qu’au lieu de redevenir jeune elle redevint bébé. Cette drôlerie s’applique au romantisme. Il eut vers 1825 sa période enfantine. Contes de revenans, fabliaux et féeries, de quelles ritournelles ne s’amusa-t-on point ! Les Odes et Ballades, certains poèmes d’Alfred de Vigny, — Eloa par exemple, — furent les livres d’images du bambin macabre et mystique. Lamartine, toujours planant, de tout ce bric-à-brac ne connaît rien. Il s’en va, plongé dans la nue, chantant ses hymnes magnifiques, cantica nova. Chrétien et royaliste, c’est assez pour sa foi religieuse et monarchique de protester contre l’Encyclopédie. Du reste, tous les poètes de ce mouvement en sont là Eux-mêmes se méprennent sur la nature du sentiment qui les inspire, et cette méprise fut cause de cet éternel reproche de versatilité dont on les poursuit encore aujourd’hui. Royalistes, ils l’étaient en effet et très sincèrement, mais ils l’étaient dans le passé. Ils croyaient au roi Jean, au roi don Rodrigue, à l’empereur Barberousse, de même qu’ils croyaient aux cathédrales, aux vieux monastères, à l’inquisition et à ses auto-da-fé. Un pareil royalisme, quand on y songe, était mieux fait pour s’entendre avec Philippe II qu’avec Charles X, et ne pouvait manquer la première occasion de se mettre en antagonisme avec le pouvoir monarchique, qu’il travaillerait à démolir tout en s’imaginant lui venir en aide, car ces romantiques-là qu’ils s’appellent Chateaubriand, Lamartine ou Victor Hugo, portent en eux l’esprit d’opposition et de révolte. La monarchie dit règle, autorité, cérémonial, étiquette ; l’école dit plus de règles. — Comment s’entendre ? Toujours ce damné XVIIIe siècle, qui reparaît jusque dans Lamartine écrivant les Girondins et la Chute d’un ange, jusque dans Victor Hugo, « l’enfant prodige » des odes à Louis XVIII, au duc de Bordeaux, à Charles X, catholique à ses débuts, puis démocrate, démagogue selon les courans. Alfred de Musset, ce charmant esprit, poète de sentiment, a les mêmes ancêtres, bien qu’il s’en défende. Nier, jeter un cri de colère à Voltaire et à Rousseau ne suffit pas. « Vous êtes des demi-dieux, et je ne suis qu’un enfant qui souffre (l’enfant du siècle !) ; mais en écrivant tout ceci je ne puis m’empêcher de vous maudire ! » Et d’abord, ô poète ! est-ce bien des souffrances du siècle que vous souffrez, et le mal qui vous consume ne vient-il pas plutôt d’une destinée particulière à vous, que vous vous êtes faite ? « Connais-toi toi-même, » disait l’Apollon de Delphes ; connaissons surtout nos origines, cela vaudrait mieux que de récriminer contre elles, fût-ce en vers magnifiques et dans la plus belle prose du monde.
« La révolution française ne vient point de tel ou tel homme, de