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sages conseils à l’électeur de Hesse ; on peut affirmer par exemple que la circonspection du prince de Metternich ne lui eût jamais permis de risquer une guerre pour une si mauvaise cause : Schwarzenberg, avec son impétuosité habituelle et son dédain des scrupules, ne s’inquiète pas de la moralité du client. L’électeur de Hesse implore le secours de la diète de Francfort ; en le soutenant au nom de la diète, l’Autriche reconstitue la diète. Voilà en deux mots le résumé de l’affaire.

La Prusse reculera-t-elle cette fois comme elle a reculé à Erfurt ? Elle ne peut, ce serait le déshonneur. L’Autriche n’hésite pas, elle à qui le hasard en ce terrible jeu d’échecs a donné un jeu détestable, et la Prusse, à qui échoit aujourd’hui le beau jeu, le beau rôle, la juste cause à défendre, la Prusse appelée au secours par une population allemande indignement opprimée, la Prusse reculerait ! Non, elle accepte la défense du peuple hessois. — Y songez-vous ? disent les ennemis de M. de Radowitz, les partisans du pouvoir absolu, les hommes qui trouvent que le roi et son ami font trop d’avances à la révolution, y songez-vous ? c’est la guerre, la guerre avec l’Autriche ! — Eh bien ! c’est la guerre avec l’Autriche, répond Frédéric-Guillaume IV, et, pour marquer plus nettement sa résolution, il demande à son ministre des affaires étrangères, M. de Schleinitz, de céder sa place au général de Radowitz. M. de Radowitz n’était jusque-là que le confident du roi à Berlin et son commissaire-général à Erfurt ; le 26 septembre 1850, il est chargé de la direction des affaires extérieures. Le voilà face à face avec le prince de Schwarzenberg !

La Prusse, aux yeux de M. de Bunsen, avait tant reculé depuis un an et demi que cette nomination de M. de Radowitz au ministère des affaires étrangères lui parut un symptôme consolant. A peine informé de la résolution du roi, il écrivait de Londres à un ami le 29 septembre : « Tout ce que je puis vous dire, c’est que je m’en réjouis. Le roi et Radowitz lui-même vont sortir par là d’une fausse position. Radowitz était tout et n’était rien. Il avait une grande influence. Il était même le directeur réel, et cependant il n’était pas le conseiller responsable de la couronne. En second lieu, le roi avait besoin plus que jamais d’un drapeau dans ces circonstances critiques. La nation est profondément humiliée, ce qui se traduit tantôt par des symptômes de découragement, tantôt par des mouvemens de colère, toujours par des sentimens de défiance à l’égard du roi. Auprès du roi et du prince de Prusse, il n’y a qu’un seul homme qui tienne à l’union restreinte, c’est Radowitz. Radowitz est donc un drapeau dans la situation présente ; bien plus, c’est le vrai drapeau, le seul qui convienne. Son programme se résume ainsi : système constitutionnel dans le pays, union libéralement et légalement