Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cabinet de Stuttgart, commentant à sa manière, rectifiant même çà et là les expressions employées dans le traité du 27 février 1850. Tel est le sens de la note que le prince de Schwarzenberg adressa le 18 mars au représentant de l’Autriche à Stuttgart. Pour nous, ce qui nous intéresse dans cet épisode, c’est qu’il achève de mettre à nu la situation au moment où va se réunir le parlement d’Erfurt. Le parlement d’Erfurt est convoqué pour organiser l’union restreinte sous la direction de la Prusse ; or le Hanovre se retire, la Saxe se dérobe, la Bavière se tourne d’un autre côté, et le roi de Wurtemberg fait retentir à voix haute cette déclaration : « nous ne voulons être ni Prussiens, ni Autrichiens, nous voulons être Allemands ! » Il y avait quatre royaumes en Allemagne, sans compter la Prusse ; les voilà tous les quatre opposés aux projets de l’union restreinte. Que reste-t-il à la Prusse pour ses opérations du parlement d’Erfurt ? Les petits états, qui ne sauraient avoir une politique indépendante, et qui, satisfaits ou non, ne peuvent que se taire quand Berlin a parlé.

Cette série d’échecs mettait le gouvernement prussien dans un embarras cruel et presque ridicule. Si la retraite et les protestations des quatre rois le décident à ne pas ouvrir le parlement, il avouera lui-même la déroute de sa politique ; s’il persiste à ouvrir le parlement de l’union, quand les principaux membres de l’union s’en éloignent avec bruit, il se donne un rôle qui prête à rire. Peut-être Frédéric-Guillaume IV et M. de Radowitz, dans le perpétuel ravissement de leurs illusions, devaient-ils sentir moins que d’autres ce que cette situation avait d’humiliant et d’amer. Quoi qu’il en soit, le parlement va s’ouvrir. Une douzaine de petits états ont adhéré à l’union restreinte ; les plus importans sont la Hesse-Électorale et le grand-duché de Bade. Presque partout les élections se sont faites sans empressement. Quelle différence avec cet élan d’espérance, qui, aux mois de mars et d’avril 1848, envoyait les députés de l’Allemagne à l’assemblée nationale de Francfort ! Trop de déceptions ont succédé à ces heures de flamme ; la foi s’éteint, l’espérance est morte. C’est à peine si le cinquième des électeurs a pris part au vote. Enfin, le 20 mars 1850, un mouvement inaccoutumé dans les paisibles rues d’Erfurt, le bruit des cloches et le service divin célébré avec pompe dans les églises des deux communions, annoncèrent l’ouverture du parlement. Une certaine affluence, des regards étonnés, des groupes de curieux aux abords du palais, ce fut tout ; aucune de ces démonstrations joyeuses qui avaient salué à Francfort les représentans du pays. Comment eût-on persisté dans les rêves d’autrefois. Ce parlement, dont la plus grande partie de l’Allemagne était absente, montrait bien les difficultés d’une tâche qui se heurtait à tant de droits sacrés, qui exigeait des sacrifices si