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Palatinat soumis, occupe le grand-duché de Bade avec ses troupes jusqu’au jour où l’armée badoise sera réorganisée.

Tandis que là Prusse rétablit l’ordre d’une main si vigoureuse, l’Autriche est toujours aux prises avec les Magyars. Menacé par la révolution, menacé par la guerre civile, le jeune empereur François-Joseph a dû appeler la Russie à son aide. Il ne s’y est résigné que le 15 avril 1849, après que Gœrgei eut vaincu entre Gödöllo et Itaszeg les troupes du prince Windischgratz (6 avril). Désormais l’issue n’est plus douteuse, la Hongrie succombera ; mais quelle humiliation pour l’Autriche de ne pouvoir vaincre les Magyars qu’avec le secours des Russes ! Ce n’est pas au général Haynau, commandant des forces autrichiennes, c’est au maréchal Paskievitch, commandant de l’armée russe, que le général Gœrgei rendra l’épée de la Hongrie dans la capitulation de Vilagos (13 août 1849). N est-ce pas là un terrible échec au prestige de l’Autriche, si l’on songe qu’à ce moment-là même la Prusse, protégeant les petits états de la confédération, déployait son drapeau jusqu’au sud de l’Allemagne ?

M. de Radowitz, rappelant plus tard ce contraste des deux pays dans la première moitié de 1849, a dit avec noblesse : « Si la Prusse eût voulu faire prévaloir alors ses idées politiques et organiser l’unité allemande comme elle l’entend, rien ne pouvait l’arrêter. Les petits états de la confédération avaient trop besoin de nous pour nous refuser leur assentiment ; l’Autriche avait trop d’embarras chez elle pour s’opposer à nos projets. Le gouvernement du roi Frédéric-Guillaume tint à honneur de ne pas exploiter a son profit la crise de la maison de Habsbourg. Nous résolûmes d’attendre. On se contenta d’engager l’affaire lentement, afin de laisser à l’Autriche le temps de se reconnaître. Notre œuvre doit être une œuvre de justice. » Tout cela est-il bien exact ? Nous ne mettons pas en doute la sincérité de M. de Radowitz, nous demandons seulement si M. de Radowitz, alors même qu’il n’eût pas obéi à ces sentimens d’honneur, alors même qu’il eût passé outre et poursuivi sa tâche au milieu des secousses de 1849, aurait eu raison de se croire assuré du succès. C’eût été une illusion de plus chez ce brillant esprit. Au milieu même des plus effrayans périls, au milieu des préoccupations les plus sombres, le prince de Schwarzenberg avait-il jamais cessé de suivre les marches et contre-marches de la Prusse ? M. de Radowitz ne pouvait faire un pas, hasarder une idée, proposer une solution, sans trouver en face de lui le prince de Schwarzenberg, hostile ou favorable selon l’occurrence, toujours attentif et toujours impérieux. Le ministre autrichien connaissait admirablement les hautes qualités morales et les défaillances politique du roi de Prusse ; il savait aussi quel était le fort et le faible chez son mystique inspirateur. Son grand art était d’inquiéter d’abord la