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Agir, conquérir, aller droit à l’obstacle et monter à l’assaut, c’était sa vocation et sa joie.

Pendant ses vingt-quatre années de travaux, d’observations, de méditations comme diplomate (1824-1848), il avait aiguisé les rares qualités de son esprit et affermi ses idées politiques ; en 1848, le soldat reparaît. Les dangers de l’Autriche le rappellent à Vienne. Dans la guerre d’Italie, il commande une brigade sous les ordres du maréchal Nugent, il se distingue à Curtatone, à Goito, et dans la journée décisive de Custozza il est nommé maréchal sur le champ de bataille. Trois mois plus tard, après que l’insurrection d’octobre eut été vaincue à Vienne, le prince Félix de Shwarzenberg est placé à la tête de l’administration nouvelle qui va essayer de reconstituer l’Autriche. C’est le 22 novembre 1848 qu’il avait pris la présidence du ministère ; le 27, il lit son programme à la diète de Kremsier, et ce jour-là on peut le dire, inaugure la transformation de la monarchie des Habsbourg. « Messieurs, disait-il, nous avons à guérir les blessures du passé, à terminer les embarras du présent, à édifier dans un prochain avenir un nouvel ordre de choses. La conscience de notre loyale ardeur pour le salut de l’état, le bien du peuple et la liberté ; l’assurance que votre concours ne nous manquera pas dans cette grande entreprise, nous ont décidés à mettre de côté toute considération personnelle pour n’obéir qu’à notre patriotisme et à l’appel du monarque… Nous voulons la monarchie constitutionnelle loyalement et sans réserve ; nous voulons cette forme sociale, dont l’essence est le pouvoir législatif exercé en commun par le souverain et les corps représentant l’Autriche. Nous voulons que ce gouvernement soit fondé sur l’égalité du droit et le libre développement de toutes les nationalités comme sur l’égalité de tous les citoyens devant la loi ; nous le voulons garanti par la publicité dans toutes les branches de la vie sociale ; nous le voulons appuyé sur la libre commune, sur la libre organisation des provinces dans toutes les affaires intérieures et resserré par le lien commun d’une puissante centralisation… » Le premier acte qui signala ce nouveau régime, et il est bien difficile de ne pas y voir l’action personnelle du prince de Schwarzenberg, ce fut l’abdication de l’empereur Ferdinand Ier et l’avènement de son neveu, François-Joseph Ier (2 décembre 1848). Pour seconder ce ministre hardi, que les nouveautés n’effrayaient point, un empereur de dix-huit ans, un jeune homme franc, loyal, sans aucun engagement dans le passé, montait sur le trône des Habsbourg.

Voilà quels sont les acteurs principaux dans la vive bataille que nous avons à raconter : à Berlin, Frédéric-Guillaume IV et M. de Radowitz ; . à Vienne, le prince de Schwarzenberg auprès de l’empereur François-Joseph ; là-bas enfin, dans son ambassade de Londres,