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mit d’empressement à saisir l’occasion. Frédéric-Guillaume III reçut à bras ouverts le jeune officier d’artillerie, qui devint bientôt l’un des plus intimes amis du prince royal. Radowitz, moins âgé que lui de deux ans, était un esprit de même race et de même vol. Ils rêvaient tous deux un retour aux institutions du moyen âge combinées avec les justes exigences de l’esprit moderne ; ils concevaient une royauté de droit divin accomplissant les œuvres libérales que la révolution ne peut que dénaturer et corrompre. On pense bien que le problème de l’unité allemande, ce problème dont le nom seul donnait au prince des frissons d’enthousiasme, était le grand sujet de leurs préoccupations. Nommé en 1836 plénipotentiaire militaire de la Prusse auprès de la diète, Radowitz fut amené par ses fonctions mêmes à étudier de plus près les moyens d’arriver au but. Il donna d’abord tous ses soins à l’exécution des règlemens qui constituaient une armée fédérale ; mais qu’était-ce que cela pour une imagination si ardente ? La véritable ambition de M. de Radowitz était de transporter à la maison de Hohenzollern cette dignité impériale qui avait été si longtemps l’apanage de la maison de Habsbourg. Beaucoup d’esprits en Allemagne résumaient la situation de cette manière : « l’Autriche a représenté l’Allemagne dans les conditions de l’ancien régime ; dans les conditions de la société moderne, c’est à la Prusse que ce rôle appartient. » M. de Radowitz n’acceptait que la moitié de ce programme ; il reconnaissait que la Prusse devait remplacer l’Autriche à la tête des peuples allemands ; mais il n’admettait pas qu’en suivant cette politique elle dût se séparer des grandes traditions monarchiques et religieuses de l’Allemagne. Ce que l’on appelait l’ancien régime, il l’appelait l’état germanique et chrétien, état entrevu par le moyen âge et trop faiblement ébauché dans le saint-empire. En un mot, il prétendait emprunter à l’Autriche le dépôt des principes d’autorité, à la Prusse son intelligence hardie et sa vitalité robuste ; de ce mélange, pensait-il, naîtrait une Allemagne nouvelle dont la monarchie des Hohenzollern deviendrait le centre et posséderait l’empire.

Cet étrange système, avec les contradictions dont il était plein, répondait parfaitement aux mystiques pensées de Frédéric-Guillaume IV. Les deux amis, s’exaltant l’un l’autre dans leurs conceptions idéales, y mêlaient intrépidement le vrai et le faux. Les études qu’ils faisaient en commun sur l’Allemagne et le XIXe siècle les ramenaient toujours à cette conclusion : « l’esprit moderne a de justes exigences, mais il a tort de s’adresser à la révolution pour obtenir gain de cause, car la révolution flétrit tout ce qu’elle touche. C’est à la monarchie légitime de faire ce que la révolution essaie vainement d’accomplir. Partout où la révolution agirait en pure perte, la monarchie légitime, c’est-à-dire l’état germanique et chrétien, agira