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sentence des Écritures ; non, ce qui vous saisit au premier abord, c’est un appel de l’artiste : « nous, Francesco et Valerio Zucati, avons fait ce que tu vas voir ; commence par bien examiner et ne juge qu’après. » Une pareille invocation au frontispice d’une église prouve au moins que cette église entend et prétend surtout être œuvre d’art et que les affaires de la religion ne sont point absolument ses affaires.

Tel climat, telle poésie. Le mysticisme, le romantisme, sont du nord ; la Grèce, l’Italie, terre classique de l’art classique ! Ce monde que me représentent le golfe de Naples, Caprée, Sorrente, l’Ile des sirènes, le monde d’Homère et de Virgile, de Poussin et de Claude Lorrain, tout dans l’harmonie et la lumière, exclut le symbole, il vous parle radieusement, à livre ouvert. « Ce qui fait de l’Odyssée une œuvre absolument anti-romantique, a dit Henri Heine, c’est que les voyages et les pérégrinations d’Ulysse ne signifient en réalité que les voyages et pérégrinations d’un homme qui s’appelle Ulysse, et ne figurent aucunement les migrations de l’âme à travers les labyrinthes du péché, ni quoi que ce soit d’approchant. » Nature altière, sauvage, mais toujours aimable et souriante, — dans ces lignes, ces contours, ces couleurs, quelle concordance ! Rien de gigantesque et qui vous trouble, l’harmonie pure dans le fini ! Shakspeare ne pouvait naître là ce pays n’en avait pas besoin, et c’est la nature elle-même qui se charge de l’office que dans le nord les poètes ont à remplir. Il n’y a que les peuples condamnés à vivre sous un ciel inclément qui fassent entrer dans leur existence la poésie psychologique. De cette poésie de la profondeur et de l’abîme, les races du midi peuvent se passer. De même qu’elles se passent de chaleur artificielle et se contentent de respirer l’air du bon Dieu, de même ce qu’elles trouvent à la surface en tendant simplement la main leur suffit. Ce qu’elles veulent dans l’artiste, c’est un réflecteur pur et simple, un miroir clair, limpide, mais ni grossissant ni profond : Arioste ou Rossini. A d’autres la tâche de creuser, de fouiller le cœur humain et d’extraire de ses cavernes ces trésors d’Aladdin, que les Shakspeare, les Beethoven vont chercher au fond des mines et dont ici le dieu du soleil couvre la surface du sol. La superbe improvisatrice de Mme de Staël est l’incarnation de cette poésie du rayonnement et de la mélodie en opposition à la poésie de l’analyse et du contre-point. L’Italie et les Italiens modernes jamais ne furent mieux compris, et de Corinne est sorti tout Stendhal. Je m’étonne que l’observation n’ait pas été faite par les beaux esprits qui naguère s’imaginaient avoir découvert l’auteur de la Chartreuse de Parme.

Corinne à ce compte est plus qu’un roman, c’est un poème, le poème des préjugés. Oswald y représente l’Angleterre, le comte