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M"'^ GUIGNON

DEUXIEME PARTIE (2).

Le trajet de G... à la station voisine de Trois-Fontaines se fit fort tristement. On touchait à la fin d'octobre, le ciel était gris, et il tombait une pluie fine qui semblait vouloir durer toujours. Modeste et moi pleurions silencieusement; ma belle-mère, très pâle, se mordait les lèvres et faisait une moue sombre, car la perspective d'un séjour prolongé à Trois-Fontaines était loin de lui sourire. A la station, nous trouvâmes le Manchin tout seul avec sa carriole et sa vieille jument, la Grise, On hissa nos malles : Modeste et moi, nous nous installâmes de notre mieux dans la paille; quant à M™*" Her- mance, à la vue de la misérable charrette, elle poussa un gémisse- ment douloureux et s'assit sur le siège, un parapluie à la main, tandis que le Manchin marchait au pas, menant la Grise par la bride. Je me blottissais contre Modeste, et nous n'osions pas nous regarder de peur d'éclater en sanglots. C'est ainsi que nous tra- versâmes la forêt. A l'orée du bois, j'aperçus le grand-père, qui cau- sait sur la route avec un paysan. — Voici mon grand-père, — dis-je à M'" Hermance, et en même temps je criai d'une voix que j'essayais de rendre joyeuse ; — Bonsoir, pêpère !

Il releva à peine la tête, jeta un rapide regard du côté de la car- riole : — C'est bien, petite, bonsoir ! répondit-il, et il tourna les ta- lons, coupant par les prés afin de n'être pas obligé de nous accom- pagner.

(1) Voyez la Revue du 1^ novembre.

TOME cviii. — 1873. 18