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malheur est que ces manœuvres, destinées à envelopper l’ennemi, étaient toujours dérangées par un contre-temps imprévu, et qu’au moment où le général se flattait de tenir sa proie elle lui échappait en dépit de toutes les règles ; la souricière était admirable, mais la souris y mettait de la malice, et refusait obstinément de se laisser prendre.

Ces quarts de victoire et ces demi-défaites rappelaient les commencemens de la guerre de sept ans, avant qu’une main vigoureuse eût pris la conduite de la campagne. « La nouvelle est très vague, la date en est ancienne, disait en ce temps-là don Froilan, personnage de la charmante comédie : Muérete y veras. Si la faction fut battue, qu’est-il advenu de nos gens ? Dans la guerre, il y a mille hasards, et d’ailleurs l’exactitude ne fut pas toujours la vertu des dépêches militaires. Beaucoup de plans et de précautions, des marches et des contre-marches, des tempêtes et des gelées blanches, des courbes et des parallèles, voilà le refrain. On se vante de donner beaucoup d’ennuis aux forces ennemies, on exagère ses fatigues, on décrit ses manœuvres, on abonde en recommandations, on parle de Rome et de Numance. Et que nous apprennent en substance ces fameux bulletins ? Que nous marchâmes pendant quatre heures, que les factieux ont gagné pays, laissant dans nos mains un havre-sac et deux jumens, que nous aurions tué beaucoup de ces drôles, si la nuit n’avait été sombre et que les cartouches ne nous eussent manqué, — que le chef ennemi s’enfuit pendant le feu et se sauva par l’étonnante légèreté de sa monture, — que, faute de renforts, notre général a quitté le champ de bataille et s’en est allé quérir des vivres à Villafranca-del-Vierzo, — qu’il faut lui envoyer franches de port dix croix de Saint-Ferdinand. Par forme de conclusion, il supplie le ministre et les cortès de lui expédier promptement, sans exiger de reçu, six mille paires de souliers et 1 million en effectif. »

Aujourd’hui la situation s’est sensiblement améliorée ; on pourrait répondre à don Froilan ce que lui répliquait l’aimable Jacinthe : « Il y a des chefs qui verront leur histoire dans ta peinture ; mais tous ne méritent pas tes reproches. » Toutefois on ne peut espérer que l’armée réorganisée et conduite par des chefs expérimentés se rende bientôt maîtresse de l’insurrection. Il n’est que deux manières d’en finir : l’une serait de disposer de 150,000 hommes et de procéder à l’occupation militaire du pays ; l’autre serait de conclure, par l’entremise d’une de ces épées qui s’entendent aux négociations, comme celle du duc de la Torre, un arrangement analogue à celui d’Amorevieta. Malheureusement la république ne dispose pas encore de forces suffisantes pour occuper le pays, et des offres d’arrangement