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ces ambiguïtés et ces équivoques de négociations vaines, et même, avant la dernière communication de M. le comte de Chambord, la restauration de la monarchie, telle qu’elle se présentait, n’était ni utile ni désirable par cette raison bien simple, qu’elle ne pouvait donner ce qu’on espérait d’elle. Quel était en effet le seul avantage possible de la monarchie au moment présent ? C’était d’assurer au pays des garanties de paix, de sécurité, de stabilité, et avec la paix intérieure, avec la stabilité, les moyens de refaire sa situation dans le monde. Qui ne voit au contraire que cette royauté qu’on nous offrait, qu’on travaillait à rétablir, ne pouvait donner à la France qu’une sorte de guerre civile latente, une lutte organisée, un état permanent d’incertitude et de méfiance ? Dès le lendemain, on se serait trouvé en face de cette résistance frondeuse ou irritée de toute une nation. La lettre à M. Chesnelong nous a rendu peut-être ce dernier service de nous arrêter au seuil d’une expérience dangereuse, de nous épargner une épreuve qui aurait pu nous conduire à d’autres épreuves. Assurément pour nous, pas plus que pour tous les esprits réfléchis, le sort de la France ne dépend d’une forme politique. Ce pays, qu’on a dit si souvent perdu et qui a toujours fini par triompher des plus violentes extrémités, ce pays saura bien retrouver le chemin où il pourra renouer le fil de ses destinées. Admettons cependant ce qu’on dit quelquefois que la monarchie était au moment présent pour la France le moyen le plus efficace de se réorganiser : qui donc serait responsable de l’échec des dernières tentatives ? M. le comte de Chambord seul évidemment aurait assumé cette responsabilité en refusant au pays la seule royauté désormais compatible avec ses instincts et avec ses intérêts. Voilà la vérité et, si nous l’osons dire, la moralité de cette crise ouverte depuis deux mois.

Qu’on réfléchisse bien maintenant sur la situation faite par ces derniers événemens à la France, à l’assemblée, aux fractions parlementaires qui ont pu travailler sincèrement à la restauration de la monarchie parce qu’elles croyaient y trouver une garantie protectrice et salutaire. Il n’y a plus évidemment la moindre illusion à conserver. Qu’il y ait encore après cela quelques fidèles obstinés dans leur dévouaient à la royauté telle que M. le comte de Chambord vient de la faire apparaître, c’est possible, le nombre dans tous les cas ne peut qu’être fort restreint, et on ne voit pas même comment une proposition sérieuse pourrait être faite. Il reste désormais une question de conduite pour toutes ces fractions modérées, à la fois conservatrices et libérales de l’assemblée, qu’une circonstance a pu mettre momentanément en antagonisme, que le sentiment d’une nécessité supérieure doit rapprocher, et l’essentiel est surtout que dans une situation déjà bien assez grave, bien assez difficile, on ne se laisse pas aller à des récriminations, à des inspirations de colère, à l’amertume des déceptions d’une part, à des