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conseil fédéral. Il avait dit en passant que ce projet, émané de l’initiative prussienne, lui paraissait mal venu, et que le parlement ne l’accepterait jamais. M. de Bismarck avait cessé d’écrire, et donnait des signes non équivoques d’impatience. Il se lève, et quand le président prononce la formule : « le chancelier de l’empire a la parole, » le chancelier avait déjà commencé à parler. Il reproche à l’orateur d’avoir, sans autre forme de procès, condamné le projet du gouvernement prussien en affirmant qu’il ne serait jamais accepté par le Reichstag, et donne à son tour à M. Windthorst l’assurance que le sien sera repoussé par le conseil fédéral. « Avec ce système de veto contre veto, dit-il, nous n’arriverons à rien. » Voilà un commentaire éloquent dans sa brièveté du chapitre de M. Cherbuliez sur ces « mystères de la confédération du nord » qui ont passé dans la constitution de l’empire. Le conseil fédéral s’est accru en 1871 par l’accession des plénipotentiaires des états du sud : 16 membres seulement sur 57 sont prussiens ; mais, la Prusse dispose des voix des petits états enclavés dans son territoire, emprisonnés dans les filets de ses conventions particulières. S’il est possible qu’elle rencontre parfois quelque résistance lorsqu’elle veut porter une atteinte nouvelle aux rares prérogatives réservées à ses alliés, sa volonté prévaut sans conteste dès qu’il s’agit d’arrêter les velléités libérales de l’assemblée. On sait au surplus que les débats se font à huis-clos, et M. de Bismarck en tête-à-tête doit trouver tant d’argumens décisifs ! Il ne se déconcerte pas d’ailleurs dans les séances publiques, car voici que, sans se soucier plus longtemps de M. Windthorst, il reproche au parlement d’avoir mis à l’ordre du jour ce projet de loi sur la presse après avoir déclaré que le temps lui manquait pour discuter d’autres lois auxquelles le gouvernement attache pourtant la plus grande importance. « Pour sa majesté l’empereur, dit-il, ou, s’il ne m’est point permis de prononcer ce nom ici, pour le chancelier, qui représente sa majesté, il est pénible de voir qu’on ne montre point le même empressement à l’égard des lois présentées par nous que pour celles qui se trouvent précisément en opposition avec les vues des gouvernemens alliés. » Et le chancelier se rassied sans avoir dit un mot du mystérieux projet élaboré contre la presse par le conseil fédéral.

M. Lasker, qui lui succède, disculpe l’assemblée du reproche d’avoir effacé de son ordre du jour la loi militaire présentée par le gouvernement. C’est cette loi qui tient si fort à cœur au chancelier ; mais comment exiger de l’assemblée qu’à la veille de sa clôture elle expédie la discussion d’un projet que des hommes spéciaux ont mis toute une année à préparer ? La loi a donc été renvoyée à la session prochaine. Tous les jours, le Reichstag attend que d’autres lois