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décisif l’appel nominal. Il faut lever la séance, et c’est encore une journée perdue. Voilà pourquoi l’assemblée, qui approche de la clôture de ses travaux, que la fatigue et la chaleur accablent en même temps, vient de se montrer si dure pour deux de ses membres. MM. Seiz et Lugscheider se résignent et prennent leurs places ; ils auraient pu cependant ne point accepter cette décision, car, un moment après qu’elle fut rendue, je comptai par curiosité les députés présens ; ils étaient 189, et le Reichstag, au moment où il prenait ses précautions contre l’incapacité de vote, n’était pas en nombre.

L’ordre du jour porte d’abord « la troisième discussion des conventions concernant le règlement des frontières franco-allemandes dans certaines communes. » La loi est votée au milieu de l’inattention générale ; puis vient « la première et, s’il y a lieu ; la seconde discussion du projet relatif à l’introduction dans le royaume de Bavière de la loi de la confédération du nord sur les sociétés agricoles et industrielles. » La délibération est longue et sérieuse, mais ne semble guère intéresser l’assemblée. Plusieurs orateurs se succèdent ; ils parlent de leur place ; d’ailleurs les députés ne montent à la tribune que lorsqu’ils désespèrent de se faire entendre autrement. En général ils parlent brièvement et sans phrases ; peu de discours passent la demi-heure, et l’éloquence à fracas n’est point de mise ici. Aussi les applaudissemens sont-ils réservés pour les grandes circonstances, et souvent l’orateur se rassied sans que sa péroraison soit accompagnée par ces très bien qu’en France des voisins charitables tiennent toujours au service de quiconque a parlé. Les Allemands se louent de cette simplicité de leurs débats parlementaires, et ils ont raison ; mais ils devraient aussi s’offenser du sans-gêne des auditeurs. Sur tous les bancs, des conversations sont engagées à demi-voix, et la demi-voix, à cause de la dureté de la langue, est très bruyante. Beaucoup se promènent ou tiennent des conciliabules, assis dans les coins, autour d’une table qui porte une carafe et des verres renversés comme au cabaret. La mauvaise disposition des sièges rend ce va-et-vient obligatoire : on y est à l’étroit, et le rebord de banquette qu’on a devant soi ne permet point d’écrire le moindre billet ; mais ces incommodités ont leurs partisans. Comme un député exprimait devant un de ses collègues, membre de la commission dite du nouveau Reichstag, l’espoir que dans la future salle chacun aurait son tiroir, son pupitre et son écritoire : « Pourquoi pas aussi, s’écria celui-ci, un hamac et un appareil à faire du café ? » C’était un de ces rigoristes du nord qui parlent à tout propos de l’austérité des ancêtres et du relâchement des mœurs de la génération présente, toujours occupée à trouver ses aises. Ces moralistes donnent parfois la comédie : un jour qu’on discutait la proposition