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qui, deux fois en vingt-cinq ans, aura changé complètement de système monétaire.

Tous les jours, les gouvernemens font des modifications beaucoup plus importantes ; ils imposent d’abord le cours forcé des billets de banque, bien que ceux-ci perdent quelquefois jusqu’à 20 pour 100 et plus de leur valeur nominale ; ils diminuent ensuite le poids et le titre de leur monnaie métallique. En 1816, l’Angleterre abaissa le titre de sa monnaie d’argent de 66 à 62, soit d’environ 6 pour 100. En 1839, la Hollande réduisit également de 9gr,613 à 9gr,450 l’argent pur du florin, soit de 0,03 centimes, ce qui équivaut à près de 2 pour 100. Enfin en 1853 les États-Unis, par une décision du congrès, diminuèrent de 6 pour 100 le poids de la monnaie d’argent. Nous ne parlons pas de la convention de 1865 entre la France, l’Italie, la Suisse et la Belgique, et dont l’effet fut d’abaisser le titre des pièces divisionnaires de plus de 10 pour 100, en le faisant descendre de 900 à 835. Comme il ne s’agissait que de monnaies d’appoint, cela n’avait pas la même gravité.

Tous ces exemples prouvent que les gouvernemens ne se font pas scrupule de réformer leur système monétaire, quand même il doit en résulter quelque légère modification dans la valeur d’un des métaux précieux. Cela ne veut pas dire qu’il faille approuver toutes ces réformes. C’est ici une question de mesure, et il faut se garder avant tout de faire de la fausse monnaie, c’est-à-dire une monnaie dont la valeur réelle soit très loin de celle dont elle porte l’indication ; mais lorsqu’il ne s’agit que d’éliminer de la circulation un des deux métaux précieux, parce que les intérêts généraux se trouveraient lésés, si on les conservait tous deux, il ne peut pas y avoir de doute sur le droit de l’état, il est tenu de veiller à ce qui sauvegarde ces intérêts. On parle de l’aggravation possible de la situation du débiteur, si on lui enlève le, choix du métal avec lequel il peut payer ; mais il faut voir l’autre côté de la question. Si, pour lui laisser le choix, on maintient le double étalon et que la dépréciation fasse des progrès, en raison de la concurrence des deux métaux, c’est le créancier à son tour qui est lésé ; il ne reçoit plus ce qu’il avait le droit d’attendre. On ne peut pas ménager l’un sans faire souffrir l’autre, et comme en somme dans la société tout le monde est à la fois débiteur et créancier, ce qu’on perd d’un côté, on le retrouve de l’autre. Il faut donc se diriger par des considérations d’intérêt général, et une des principales est de donner à l’instrument d’échange le plus de fixité possible. On y arrivera certainement plutôt avec un seul étalon qu’avec deux.

Tout le monde est d’accord en principe que la loi de germinal an XI, en fixant un rapport de valeur entre les deux métaux, est