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excessive. Il y a en ce moment de nombreux besoins qui ne sont pas satisfaits ; beaucoup de pays n’ont en circulation que du papier-monnaie. C’est le sort de l’Italie, de l’Autriche, de la Russie, de la France en Europe, et des États-Unis en Amérique. Que se passera-t-il le jour où ces pays reprendront les paiemens en espèces, et quelle quantité nouvelle d’or ne faudra-t-il pas ? Déjà même en Amérique on éprouve de grands embarras monétaires. Il y a crise au-delà de l’Atlantique, parce que la circulation fiduciaire, jointe à la circulation métallique, ne suffit pas. Qu’arrivera-t-il lorsque cette dernière sera seule, ou tout au moins que seule elle aura cours légal ? On doit encore faire attention au mouvement de la population et au progrès de la richesse, qui demanderont chaque jour plus de métaux précieux. On a beau multiplier les moyens de crédit, faire que la même pièce de monnaie rende plus de services, — comme les transactions se multiplient encore davantage, il faut toujours plus de numéraire pour servir de base à ces transactions. C’est ce qui explique du reste comment les 12 ou 15 milliards de métaux précieux qui ont été extraits des mines depuis vingt ans ont été si facilement absorbés. L’objection ainsi présentée est évidemment très sérieuse et mérite d’être examinée avec le plus grand soin.


II

D’abord il ne s’agit pas de démonétiser absolument l’argent ; il restera toujours comme monnaie d’appoint dans les pays qui prendront l’or comme monnaie principale, et cette qualité de monnaie d’appoint suffira pour en retenir une quantité considérable : elle en retiendra certainement pour 600 ou 700 millions en France, autant en Allemagne et peut-être aux États-Unis. Ce sera un auxiliaire précieux pour l’or, et puis ce qui est utile en Allemagne, en Hollande, en Suède, aux États-Unis, en France, ne l’est pas au même degré partout : il y a de nombreuses contrées peu riches où l’argent convient encore et sera longtemps la monnaie principale ; ainsi les états de l’Amérique du Sud et l’extrême Orient. Ces pays, en se contentant de la circulation chargent, dégageront d’autant les besoins qu’on aura d’or ailleurs. On exagère aussi beaucoup les demandes de numéraire qui pourront se manifester lorsque le cours forcé des billets cessera dans certains pays ; il y en a quelques-uns, tels que la France et les États-Unis par exemple, qui ont déjà en réserve presque tout l’or qui leur sera nécessaire. Seulement cet or ne circule pas, parce que l’inconvénient du papier-monnaie est de l’éloigner de la circulation. On ne paie pas en monnaie métallique lorsqu’on peut s’acquitter avec du papier, qui, même dans les états les