Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/945

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

premier abord. On s’est trop hâté de croire à la possibilité ou à la facilité de ce qu’on désirait. On a cru trouver une occasion favorable, unique, inespérée, on a voulu la saisir, et on a commencé peut-être à s’apercevoir qu’on n’aura saisi qu’une ombre.

C’est l’éternelle et vaine prétention des partis de se figurer qu’ils peuvent disposer ainsi d’un pays et faire des gouvernemens avec leurs illusions. Prenez la république, prenez la monarchie, déclarez que la république est définitive ou que la monarchie est restaurée ; quoi de plus simple ? Un protocole suffit. Puisque cette fois la réconciliation de la maison de France est accomplie, et qu’il n’y a plus qu’une royauté couvrant de son drapeau toutes les fractions de l’opinion monarchique, n’est-ce point assez ? que faut-il de plus pour en finir avec toutes les incertitudes dont souffre la France ? Eh bien ! non, ce n’est point assez. Quand ce qui semblait être le seul, le principal obstacle a disparu, il se trouve qu’il y a de bien autres embarras, de bien autres difficultés, et les partis en sont encore une fois pour leurs rêves, pour leurs combinaisons chimériques, parce qu’ils ont tout vu avec leurs préjugés, parce qu’ils ont négligé de compter avec quelques-uns des éléments les plus essentiels d’un tel problème, avec la réalité qui les presse. C’est ce qui se passe visiblement à l’heure où nous sommes. Le jour où M. le comte de Paris s’est rendu à Frohsdorf, allant reconnaître dans M. le comte de Chambord le seul représentant de la royauté en France, on a cru simplement, presque naïvement, que tout était fini, qu’il n’y avait plus qu’à dresser le procès-verbal de la réconciliation pour le soumettre à l’assemblée, qui s’empresserait de le ratifier au nom du pays impatient lui-même de se soumettre. Il n’y avait tout au plus qu’une formule d’étiquette à trouver, des esprits bien peu sérieux le croyaient ainsi. C’était la méprise la plus singulière. M. le comte de Paris, en allant abdiquer un titre de famille, obéissait assurément à une généreuse pensée d’abnégation ; il s’effaçait pour ne point être un obstacle. Il ne pouvait rien de plus, il n’avait, quant à lui, aucune condition à faire. C’était beaucoup sans doute, mais ce n’était pas tout, puisque il restait toujours à savoir ce que serait cette monarchie reconstituée dans son unité dynastique, ce qu’elle représenterait pour la France, quelles garanties elle offrirait, quel drapeau elle adopterait comme emblème. C’est là précisément qu’on s’est aperçu bientôt que rien n’était fait ; c’est là que les difficultés se sont produites et qu’elles devaient se produire, parce qu’elles étaient dans la nature des choses ; c’est là en un mot que se sont trouvées en présence, en conflit, la royauté telle que la comprennent certains royalistes, à commencer par M. le comte de Chambord lui-même, et la royauté telle qu’elle aurait pu sans doute être encore possible en France.

Au fond, tout est là : c’est le secret des divergences qui ont éclaté dès la première heure dans les réunions des diverses fractions roya-