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idole debout sur un lion, coiffée du bonnet conique, vêtue de la courte tunique serrée par une ceinture, et dont les mains ont dû tenir la bipenne, l’arc ou la lance, on se rappelle aussitôt les sculptures de Nymphi, de Boghaz-Keuï et d’Euïuk. Nul doute que cette grossière figurine ne soit aux grands bas-reliefs des temples de l’Asie-Mineure et des montagnes de l’Assyrie ce que sont aux chefs-d’œuvre de l’art chrétien les petits christs d’ivoire ou de métal qu’on vend sous les porches de nos églises. On a là une de ces idoles domestiques, productions de l’imagerie pieuse du temps, que les bourgeois et les bourgeoises de Ptérium ou de Comana rapportaient dans leurs demeures après quelque pèlerinage aux lieux saints. Les croyans ne raffinent guère sur la plastique des objets de leur foi. Alors même qu’ils ne manquent point de toute connaissance dans les choses de l’art, comme il arrive souvent, leur goût ne paraît pas froissé de la vulgarité des symboles. C’est que les plus lointains souvenirs d’enfance leur rappellent ces images naïves qu’alors ils adoraient si bien en toute simplicité. Que de choses on aimait à confier à ces pauvres fétiches, chers démons du foyer, bons génies secourables ! L’illusion d’amour, l’éclair de poésie qui traverse les existences les plus humbles et les plus chétives, transfigure en un dieu l’idole la plus informe. Puisqu’on l’aime, elle est belle.

En tant qu’il meurt et ressuscite, Samdan doit être rapproché de l’Élioun du Liban, du Melqarth de Tyr, de l’Adonis de Chypre, d’Atys, forme phrygienne d’Adonis, et des autres baals syro-phéniciens. Le berceau commun des cultes de la Syrie et de l’Asie-Mineure fut la vallée méridionale du Tigre et de l’Euphrate : de là étaient venus les Chananéens, les Moabites, les Édomites, les Israélites, etc., les populations de la Cilicie, de la Cappadoce, d’une partie du Pont, de la Lycie et de la Lydie. Les traditions et les diverses cérémonies religieuses peuvent différer en Phrygie, en Syrie et en Assyrie : le fond est le même, Macrobe l’a très bien vu. Le bûcher de Samdan, dont la pyramide figure sur les médailles de Tarse, se retrouvait à Nicée et à Héraclée de Bithynie comme à Sardes et à Tyr. L’Hercule chaldéo-assyrien passait pour le fondateur de plusieurs de ces villes. Il fut certainement à l’origine le dieu parèdre de l’Artémis d’Éphèse. Quant au caractère astronomique du mythe d’Adar Samdan, il n’est pas moins évident que celui des mythes d’Adonis et d’Atys.

Le dieu solaire du bas-relief de Ptérium mourait sans doute à l’équinoxe d’automne pour ressusciter à l’équinoxe du printemps. Pendant les longs hivers de la Cappadoce, en ce froid pays de hautes montagnes aux cimes neigeuses, lorsque le grain confié à la terre semblait mort, quand les pâles rayons du soleil expirant ne perçaient plus la nuit des forêts de plus consacrées à la déesse, les