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de la lance, du bouclier et de la hache. Ce sont là les deux caractères bien connus de la déesse Istar : l’Istar de Ninive, plaisirs des dieux et des hommes, et l’Istar d’Arbelles, sorte d’Artémis farouche. La déesse de Comana et sans doute celle de Ptérium avaient certainement ce dernier caractère, qui est proprement celui d’Anat, car les Grecs la comparaient à Séléné, à Athéna, à Ényo. Comme l’Aschéra chananéenne et l’Astarté phénicienne, comme la déesse de Syrie et l’Atergatis d’Hiéropolis, comme la Cybèle de Phrygie ou de Sardes, de Dindymène, de Sipyle et de Bérécynthe, l’Artémis d’Ephèse et la Mère de Pessinunte, comme la déesse des bas-reliefs de Ptérium, d’Euïuk et des sanctuaires de la Cappadoce et du Pont, Istar n’était qu’une des formes secondaires, planétaires, telluriques ou lunaires, de Bilit, la grande déesse nature de la Babylonie et de l’Assyrie, de Bilit Tihavti, l’abîme primordial, la matière incréée, éternellement féconde, mère des dieux et de tout ce qui vient à l’existence.

La déesse, debout sur un lion, qui conduit le long cortège de prêtresses et d’hiérodules du bas-relief de Ptérium, porte une mitre cylindrique crénelée. Sa robe à larges manches tombe à grands plis sur ses pieds, chaussés du brodequin à pointe recourbée ; ses longs cheveux s’échappent de la tiare et descendent jusqu’à la ceinture qui lui serre la taille ; des anneaux pendent à ses oreilles. Elle tient à la main une fleur ou une plante difficile à déterminer, peut-être une mandragore, et appuie son coude sur un bâton, comme nombre d’hiérodules des deux sexes. Dans certaines sculptures, le bâton semble devenir, un pli ou un bord du vêtement A Euïuk, même robe, même tresse de cheveux, et sans doute même fleur à la main ; un collier à plusieurs rangs orne le cou de la déesse assise sur un trône ; ses pieds reposent sur un escabeau. Telle on la voit sur un bas-relief célèbre des montagnes du Kurdistan, au nord de Ninive : seulement le trône de la déesse est porté par un lion. A Ptérium, elle est debout sur le lion et accostée d’un taureau mitré. Les cylindres de la Babylonie et de l’Assyrie, la stèle égyptienne de la XIXe dynastie, les monnaies de Carthage, tant d’autres monumens figurés, montrent la déesse soit debout ou assise sur un lion, un taureau, un cerf, soit traînée par des lions, comme en Phrygie et à Hiérapolis de Syrie, d’où le nom « d’Istar aux lions. » Sophocle, dans le Philoctète, a chanté la Mère des montagnes, mère de Zeus lui-même, adorée sur les rives du Pactole. « Mère vénérée, s’écrie le poète, ô bienheureuse, assise sur des lions tueurs de taureaux[1] ! » Ces vers pourraient servir de commentaire non-seulement aux bas-reliefs du temple d’Assos en Mysie, mais aux vases

  1. Pholoct., 392-402.