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Achéménides, la Cappadoce, tout en gardant son vieux génie touranien, sa langue et ses cultes sémitiques, se laissa pénétrer par de nombreux élémens éraniens. Strabon, né dans une ville du Pont, et qui a vu ce qu’il raconte, présente cette contrée comme un pays où l’on ne rencontre que des mages, gardiens du feu sacré, et des temples dédiés à des divinités de la Perse. Dans les sacrifices, les victimes n’étaient pas égorgées ; on les assommait. Les pyrées de Cappadoce, où le feu sacré était entretenu nuit et jour, sont décrits comme des chapelles magnifiques. Entrés dans le sanctuaire, debout devant les autels où brille la flamme, les mages chantent des hymnes, le faisceau de baguettes de bruyère à la main, la tête presque cachée dans une tiare de feutre. Comme la Médie et l’Arménie, la Cappadoce avait adopté les coutumes et les cérémonies religieuses de la Perse[1]. Elle adora les dieux d’Éran.

Combien de fois les Assyriens, les Mèdes, les Perses, passèrent l’Halys, pénétrèrent par la Cilicie ou par le Pont au cœur de la péninsule, jusqu’au jour où les Grecs d’Asie, les Ioniens, firent partie d’une satrapie du grand Roi ! Du XIIe au VIIe siècle, l’Assyrie domine l’Asie-Mineure. Avec la Babylonie, la Médie, l’Arménie, où sont les sources du Tigre et de l’Euphrate, avec la Syrie, c’est l’Asie-Mineure qui est surtout le théâtre des grandes expéditions des rois d’Élassar et de Ninive. Dès le XIIe siècle avant notre ère, Tiglathphalasar Ier triomphe deux fois des Mosches et de leurs cinq rois, qui occupaient alors une grande partie de la Cappadoce et du Pont. Il s’agissait, comme il arriva souvent, de réduire la Commagène. Tiglathphalasar fit campagne dans la Cilicie, pays alors également touranien, et s’engagea dans les montagnes jusqu’au-delà de Selgé de Pisidie. Une autre fois, c’est par le Pont que ses armées firent irruption dans l’empire des Mosches. Les gens de Comana, où la Vénus asiatique eut plus tard un temple célèbre, furent défaits. Le conquérant s’avança dans le nord de la Phrygie, et ne s’arrêta que dans une contrée qui pourrait bien être la Mysie. On ne peut dire encore si la Troade a conservé des restes authentiques de la domination assyrienne ; mais, s’il est évident que le fond de la population du royaume des Dardanides était, comme la Phrygie, de race aryenne, certains noms, comme Ilos et Assaracos, les amours divines d’Anchise et d’Aphrodite, l’expédition de l’oriental Memnon au secours du vassal d’Assur, les héros Alexandros et Hector, qui s’appellent aussi Paris et Dareios, enfin le souvenir, persistant encore à l’époque de Platon, de la domination des Ninivites en Asie-Mineure au temps de la guerre de Troie, — tout nous porte à considérer l’antique Mysie sous le même

  1. De même à Éphèse. Cf. E. Çurtius, Beiträge zur Geschichte und Topographie Kleinasiens, p. 20 (Berlin 1872).