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charge finit par être abolie en 1626. Elle rabaissa celle de colonel-général de l’infanterie, qu’à la mort du duc d’Épernon en 1661 le roi s’empressa d’abolir. Désormais tous les officiers d’infanterie, depuis le colonel jusqu’à l’enseigne, durent être nommés ou agréés par le roi ; tous les brevets furent dressés et signés par le secrétaire d’état de la guerre. Ce fut celui-ci qui correspondit avec les chefs de corps, imprima la direction aux opérations militaires, concentra entre ses mains une grande partie de l’administration de l’armée. Ainsi ce qui restait des grands offices militaires de la couronne tendait à se réduire à des prérogatives purement honorifiques. Le grand-maître de l’artillerie devenait un simple chef de service ; et, en 1755, quand le comte d’Eu se démit de cette charge, ce n’était plus qu’une magnifique sinécure. La charge de colonel-général de la cavalerie, que Louis XII avait instituée, celle de colonel-général des dragons, que Louis XIV avait créée en 1668 pour Lauzun, subsistaient sans doute, mais leurs attributions furent en fait annulées par l’établissement en 1694 des huit directions qui se partagèrent l’inspection générale des corps, confiée dans le principe aux colonels-généraux. En 1715, les deux charges de colonel-général de la cavalerie légère et de colonel-général des dragons, possédées l’une par le comte d’Évreux, l’autre par le marquis de Coigny, étaient en fait subordonnées aux directeurs et inspecteurs de cavalerie. Le prédécesseur du comte d’Évreux, le comte d’Auvergne, quoique neveu de Turenne, avait pendant toute sa carrière été, suivant l’expression de Saint-Simon, comme nourri de couleuvres.

Les secrétaires d’état l’emportaient ainsi sur les dignitaires les plus élevés du royaume, et la puissance de ces chefs de départemens ministériels devint d’autant plus grande que plusieurs fois le roi leur conféra le titre de ministre d’état. C’est ce qui arriva surtout sous Louis XIV, ainsi que le note Dangeau pour le secrétaire d’état des affaires étrangères. D’ailleurs, quoique chacun d’eux eût son département, ils conservaient de leur institution primitive l’usage d’avoir dans leur ressort les affaires générales d’un certain nombre de provinces, ou, pour mieux dire, de généralités. Ainsi ce que nous appellerions aujourd’hui le département de l’intérieur était réparti entre plusieurs secrétaires d’état. Chacun venait rapporter au conseil des dépêches les affaires concernant les généralités dont il était chargé. Celles-ci ne demeurèrent pas constamment les mêmes pour chaque département, et la distribution varia suivant les temps ; aux dernières années de Louis XV, les secrétaires d’état des affaires étrangères et de la marine n’eurent quelquefois dans leur ressort aucune généralité, et ce qui touchait à la police, à l’ordre public, aux fortifications des provinces, était alors du domaine pour les unes de la maison du roi, pour les autres du département de la guerre.