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constitution de Virginie. Quant aux élémens qui composent la liberté religieuse, les voici nettement exprimés par la constitution du New-Jersey, de l’année 1844 :


« Personne ne pourra être dépouillé de l’inestimable privilège d’adorer le Dieu tout-puissant de la façon qui répond aux injonctions de sa propre conscience. Personne, sous aucun prétexte, ne sera forcé d’assister à un office religieux contraire à sa foi et à son jugement. Personne ne sera obligé de payer des dîmes, des taxes, ou autres redevances pour bâtir et réparer une église, ou pour entretenir un ministre d’une confession contraire à celle qu’il croit bonne ou dont il fait partie. Il n’y aura point d’église établie de préférence à une autre église. On n’exigera point de l’est pour être admis à remplir une fonction publique, et personne ne pourra être troublé dans la jouissance de ses droits civils à cause de ses principes religieux. »


En résumé, point de religion d’état ; chacun adore Dieu à sa façon et subvient aux dépenses de l’église qu’il adopte. La liberté est entière ; l’état ne se mêle des choses sacrées que pour garantir aux citoyens l’exercice paisible du culte qu’ils ont choisi.

Voyons maintenant quelle est la situation de l’état, quelle est celle des églises, et quels sont les rapports qui subsistent nécessairement entre l’église et l’état.


II

Quand on dit qu’en Amérique l’église et l’état sont entièrement séparés, il ne manque pas de gens qui protestent contre une pareille monstruosité. Un état sans Dieu ! des lois athées ! c’est une abomination qui révolte les âmes pieuses de l’ancien monde. Au fond, tout ceci n’est qu’une querelle de mots. L’état (j’entends par là l’ensemble des pouvoirs publics qui gouvernent une société) n’est qu’une personne morale, ce n’est pas un individu : il n’a point d’âme à sauver ; par conséquent il n’a pas et ne peut pas avoir de religion. Accuser l’état d’impiété et d’athéisme, c’est donc simplement lui reprocher de ne pas mettre les forces du gouvernement au service d’une ou de plusieurs églises ; reste à prouver que cette incompétence de l’état soit nuisible à la religion. C’est ce qu’on néglige de faire ; on aime mieux trouver des injures que des raisons. D’un autre côté, on dit qu’en séparant l’église de l’état on donne à l’église une influence excessive et que la puissance publique est désarmée. C’est une erreur ; les Américains ne sont pas un peuple mystique, et en fait de gouvernement ils peuvent en remontrer aux Européens.

Aussitôt que des hommes sont réunis, fût-ce sur un vaisseau,