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prussien. La France est l’arbitre de la situation ; c’est à elle que tout vient aboutir de Berlin, de Vienne, de Florence ; on cherche de toute façon à savoir ce qu’elle pense, ce qu’elle veut. Elle dispose des événemens. Cela est si vrai qu’au moment où l’on va signer le traité du 8 avril, M. de Bismarck dit au général Govone : « Tout ceci, bien entendu, si la France le veut, car si la France montrait de la mauvaise volonté, on ne pourrait rien. » Plusieurs fois dans les délibérations cette question de la France revient, et par ses réponses le ministre prussien ne laisse pas douter qu’il n’eût consenti à dès-cessions de territoire sur la rive gauche du Rhin. Un jour même, on dit que l’Autriche a offert à la France la ligne du Rhin, et, comme un des négociateurs italiens se hasarde à dire qu’une puissance allemande se compromettrait par une pareille offre, M. de Bismarck a un « haussement d’épaules » des plus significatifs, « indiquant très clairement que, le cas échéant, il ne reculerait pas devant ce moyen. » Cependant la France ne fait rien, elle sait tout, elle est au courant de tout, et elle se renferme dans son attitude de sphinx. La politique française se résume à une certaine heure de cette façon : si l’Italie attaque l’Autriche, elle le fera à ses risques et périls ; si elle est attaquée par l’Autriche, elle sera soutenue par la France. L’alliance avec la Prusse, l’empereur la conseille. Si, la Prusse manquant à ses engagemens et faisant une paix séparée, l’Autriche profitait de la circonstance pour se rejeter avec toutes ses forces sur les Italiens, ceux-ci auraient encore l’appui de l’empereur. En d’autres termes, la France, sauvegardant avant tout les intérêts italiens, s’abstenant de s’occuper de ce qui la regardait, attendant des éventualités mystérieuses, la France mettait sa politique à la merci de ce qui pouvait se passer sur l’Adige ou sur l’Elbe. Un instant à la dernière extrémité, au commencement de mai, l’Autriche se décide à offrir la Vénétie à la France comme prix de la neutralité italienne. Si l’Autriche avait eu cette bonne pensée six semaines auparavant, tout pouvait évidemment changer de face : maintenant il était trop tard, le cabinet de Florence était lié, et l’empereur Napoléon III ne trouvait rien de mieux que de proposer un congrès, c’est-à-dire un expédient pour gagner le jour où le traité du 8 avril expirerait, où l’Italie serait dégagée ; mais ce congrès, lui aussi, disparaissait dans le torrent des événemens, et, au lieu des complications qu’on attendait, c’était Sadowa qui allait retentir.

Que le livre du général La Marmora ressemble un peu à une indiscrétion diplomatique, c’est possible ; il ne reste pas moins l’œuvre d’un homme qui ne se croit tenu ni de saluer les triomphateurs, ni d’abandonner une nation qui a été la première à aider son pays, et il est aussi instructif pour l’Italie que pour la France, puisqu’il montre ce que sont ces alliances qu’on vante quelquefois.

Les États-Unis sont en proie à une crise financière analogue à celle qui éclata subitement à Vienne au printemps dernier, juste au moment