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il s’est défendu avec un courage qu’il n’a pas dépendu de lui de voir couronné de plus de succès, avec une persévérance que n’avaient pas lassée les privations, et qui n’a cédé, en frémissant, qu’à la famine imminente. De tels faits ne rachètent pas seulement plus d’un écart, ils signifient peut-être que, si le mal qu’on signale est réel, il n’a pas corrompu le fond d’une nation saine et généreuse.

Les remèdes indiqués par M. Nadault de Buffon ne sont-ils pas tantôt un peu vagues dans leur généralité, tantôt par trop minutieux ? Soyez religieux, soyez moraux, c’est fort bien dit, et il faut sans doute le répéter, mais n’est-ce pas une sorte de pétition de principe ? Il y a quelque illusion à croire que la foi se ranime absolument à volonté dans un peuple où elle a fléchi et que la morale elle-même, qui dépend davantage du libre arbitre de l’homme, n’ait pas aussi ses conditions qui la font en certains temps plus aisément fleurir et lui viennent en aide par des appuis solides et multipliés. Nous vivons dans un temps dont la fatalité est que tout y semble difficile pour les esprits sincères, pour les hommes « de bonne volonté. » On renonce, et c’est très bien vu, à imposer au luxe moderne le joug préventif des lois somptuaires. Nous sommes pourtant loin d’être assurés que tous les censeurs du temps présent eussent en cela la même réserve que M. Nadault de Buffon. Lui-même parle d’impôts de cette nature, qu’il nous paraît confondre un peu avec ceux qui, sans décourager la consommation, exigent d’elle quelques légers sacrifices au profit du trésor obéré. Nous ne parlerions pas de certains remèdes qu’il indique à côté d’autres plus sérieux, s’ils n’étaient un exemple des prescriptions minutieuses toujours chères à l’école réglementaire. Que dire de ces fauteuils monumentaux sur lesquels, pour restaurer le respect de l’autorité paternelle, on inscrirait le mot pater et le mot mater ? On perdrait son temps à vouloir réfuter ces conceptions trop ingénues et à démontrer que, quand le respect existe, il n’a pas besoin de ces petits moyens, et que, lorsqu’il manque, ils sont impuissans aie rétablir. Il est par trop évident que ces meubles peu commodes, quand bien même ils auraient toute la majesté d’un tribunal, seraient un moyen inefficace de restaurer la morale. Il faut que les pères siègent de plain-pied avec leurs enfans et cherchent à se faire respecter dans ces conditions de familiarité forcée dont nos minces murailles et l’exiguïté des logemens nous font une loi inévitable, — preuve nouvelle que tout est devenu difficile aujourd’hui, et que la morale, au foyer domestique comme ailleurs, est obligée de se priver de bien des prestiges qui lui prêtaient secours autrefois !

Le même fonds d’idées et de religieuses espérances se retrouve