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aux sujets de M. Bida. il avait donc à rester dans le champ assez limité de l’ornementation symbolique. Une seule fois, au début de l’Évangile de saint Matthieu, il a employé la tête humaine pour représenter l’ange qui est l’attribut de cet évangéliste, comme le lion est celui de saint Marc, l’aigle celui de saint Jean et le bœuf celui de saint Luc, — décomposition des chérubim, du tétramorphe d’Ézéchiel, — symbole du septentrion, du midi, de l’orient, de l’occident, selon les uns, — emblème de l’intelligence, de la force, de la lumière, du travail, selon les autres, — en réalité, importation étrangère, réminiscence de la captivité, souvenir des martichoras assyriens, dont nous possédons de si beaux spécimens au musée ninivite.

M. Rossigneux a mis sept années à parfaire son travail ; son œuvre n’est point comparable à celle de M. Bida, elle n’en est pas moins extrêmement intéressante à étudier. Les difficultés naissaient à chaque chapitre, et semblaient se répéter incessamment ; l’artiste a voulu rester orthodoxe et hiératique, et, de même que les Évangiles sont concordans, il a fait concorder les ornemens en reproduisant quatre fois les mêmes symboles sous des formes différentes. C’était se créer des obstacles pour avoir la satisfaction de les vaincre : M. Rossigneux a réussi. Il a su se tenir éloigné de tous les lieux-communs dont les ornementations de livres nous ont donné tant d’exemples, il n’a jamais emprunté ses motifs de décoration qu’au texte même du Nouveau-Testament, et, de même que M. Bida a su tirer un admirable parti de la portion vivante, intellectuelle, des Évangiles qu’il avait à traiter, M. Rossigneux s’est excellemment servi de la portion matérielle, qui seule lui fournissait des élémens plastiques. Parfois, avec un bonheur qui n’est que de l’habileté vivifiée par la réflexion, il a, sous prétexte de têtes de chapitre ou de lettres ornées, obtenu de véritables petits tableaux : sa façon d’agencer les couronnes d’épines, de dérouler les anneaux du serpent, de faire fleurir le lis, d’égrener les perles, d’incliner les palmes, de mêler les épis aux feuilles acérées de roseaux, prouve un maître ornemaniste rompu à tous les secrets de son art. Il rejette l’étoile des gnostiques, l’étoile à sept rayons, et adopte l’astre à cinq rayons de Pythagore ; il connaît toutes les ressources de la symbolique religieuse, science un peu subtile souvent, mais exquise, que les fervens du moyen âge pratiquaient avec amour et dont nos architectes modernes ne savent plus le premier mot. Il n’en abuse pas, mais il s’y appuie pour rajeunir de vieux sujets et leur donner une animation nouvelle. Il fait ainsi en tête et à la fin du chapitre, au commencement du premier verset, une sorte de commentaire emblématique qui prépare à la lecture du livre, et sert