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est murée aujourd’hui, mais intacte, et, par les sculptures qui la décorent, manifestement antérieure à Jésus-Christ. — Ainsi M. Bida n’a négligé aucune des conditions qui pouvaient donner à son travail un caractère d’authenticité que l’on trouve si rarement dans les œuvres d’art, où le plus souvent la fantaisie tient lieu des recherches ayant trait à l’histoire et à l’ethnographie.

Ce noble souci de la vérité n’exclut pas le style, tant s’en faut ; il le revêt au contraire d’une force nouvelle ; on peut s’en convaincre en regardant les dessins de M. Bida. Malgré une certaine familiarité, qui n’est que la réalité bien discernée et bien rendue, il est difficile de voir des compositions historiques mieux ordonnées que l’Hérodiade, la Résurrection de la jeune fille (saint Marc), l’Homme à la main séchée (saint Luc), la Guérison de la femme âgée (saint Luc), le Baptême, le Sermon sur la montagne (saint Matthieu). Les tableaux de genre abondent, prenant sur le vif la vie orientale et ayant la couleur d’une sorte de reconstitution morale : l’Enfant prodigue, le Bon Samaritain, le Denier de la veuve, Jésus dans la synagogue. S’il a si fidèlement interprété les types, les monumens, les costumes, M. Bida n’a pas été moins exact lorsqu’il s’est agi de représenter le paysage ; il est précis comme une épreuve photographique. Le Figuier maudit, les Deux aveugles, le Lis dans les champs, la Parabole du semeur, le Jésus à Nazareth, reproduisent les sites mornes, pierreux, desséchés, qui font de la Palestine une terre de désolation et d’abandon ; en regardant l’estampe intitulée les Saintes femmes allant au sépulcre, je n’ai pu retenir une exclamation de surprise, tant je retrouvais l’impression dont j’avais été saisi lorsque la première fois le mis le pied sur cette sinistre vallée de Josaphat, où les chacals piaulent dès que la nuit est venue. Cette « illustration » des Évangiles, où les répétitions incessantes du texte ont été habilement évitées par l’artiste, fait le plus grand honneur à M. Bida ; pour la première fois nous possédons enfin un commentaire plastique, rationnel, raisonné, serrant la vérité d’aussi près que possible, un commentaire réellement historique de ces faits qui modifièrent si profondément les destinées humaines. Un certain courage était nécessaire pour repousser la tradition imposée par les artistes et pour entrer dans la représentation sincère du pays, des choses et des hommes. Il ne suffisait pas d’ailleurs de visiter la terre sainte, il fallait la comprendre ; il ne suffisait même pas de la comprendre, il fallait la traduire, l’expliquer, déchirer les voiles dont elle est enveloppée depuis tant de siècles et la mettre à la