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chérubim et la famille d’Israël, : mais volontiers elle parle des patriarches, des rois, de ce Soliman-ben-Daoud surtout, dont elle a légué la gloire à l’islamisme, des prophètes, dont elle a retenu, dont elle répète encore les dures imprécations, de celui qui criait dans le désert : « Voici l’agneau de Dieu, » et du doux maître qui, suivi de ses disciples, marchait au milieu des blés mûrs en égrenant les épis, qui guérissait les infirmes, remettait les péchés et renouvelait la face du monde en mourant sur un gibet. Du doigt, elle peut montrer à l’horizon le mont Nébo, où ; s’endormit Moïse ; elle conduira le voyageur sur la rive du Jourdain, où Jean le Baptiste vit descendre la colombe ; elle le mènera à Ramlé, où il y eut tant de pleurs, à Siloé ; où fut guéri l’aveugle, au tombeau d’où sortit Lazare, au champ du sang que souillèrent les entrailles de Judas, au puits de la Samaritaine, à la maison de Caïphe, à l’arc romain où l’on dit : Ecce homo !

Cette histoire, qui, pour avoir été exclusivement locale, n’en est pas moins devenue universelle, M. Bida l’a longuement questionnée ; elle lui a révélé tous les secrets qu’il divulgue aujourd’hui. Dès l’abord, elle lui a enseigné que la tradition plastique adoptée maintenant était fausse de tous points, et que, pour être dans la sincérité du sujet, dans la réalité de l’interprétation, il fallait remonter aux sources mêmes, ne puiser ses renseignemens que dans les Évangiles, laisser de côté les symbolismes inventés après coup, dédaigner le système imposé par la renaissance, comprendre que cette douce et touchante histoire est plutôt familiale qu’héroïque, se rappeler que les Juifs du temps d’Hérode n’étaient ni des Romains d’Auguste, ni des Grecs de Périclès, et que, pour être écouté aujourd’hui, pour faire œuvre sérieuse, durable, il fallait appliquer à l’art la méthode expérimentale où la science a trouvé de si féconds résultats. M. Bida a l’esprit trop juste pour n’avoir pas été promptement convaincu, et de là est née une expression iconographique absolument nouvelle des Évangiles. Il a fait ce que les architectes appellent une restauration : il a repris une à une toutes les données archéologiques et traditionnelles ; il a pénétré des mœurs que rien encore n’a modifiées, il a comparé ce qu’il voyait à ce que lui disaient les livres saints ; et il a reconstitué avec une sagacité singulière le milieu extérieur dans lequel se mouvait Jésus. Il a courageusement rejeté la vieille défroque dont on l’affuble encore, et il est entré de plain-pied dans la vérité historique. Son œuvre y a gagné une saveur particulière et une puissante originalité.

Jusqu’à présent, l’Orienta été immuable ; les découvertes industrielles qui successivement sont venues changer les habitudes occidentales l’ont à peine effleuré : mœurs antiques, mœurs modernes, c’est tout un pour les pays du soleil levant, les voitures, les