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devaient leur nom au mode suivant lequel ils furent d’abord choisis après la création des aides en 1355, formèrent un tribunal ; ils étaient chargés d’ordonner tout ce qui concernait ces impôts, de contraindre par les voies de droit les contribuables à les acquitter. De là pour les élus une juridiction, et l’ordonnance du 9 juin 1445 assimile le corps des élus de chaque circonscription à un véritable tribunal auquel la connaissance du fait des aides, gabelles et tailles est attribuée, mais dont appel appartenait aux généraux des aides. Au XVe siècle, le grènetier ou garde du magasin à sel eut également une juridiction propre ; il connut de tous les crimes, délits, fraudes, concernant le monopole du sel, ce qui donna lieu sous Louis XII à la constitution d’un tribunal exerçant sa surveillance sur les receveurs et commis des gabelles, et qu’on appela grenier à sel, tribunal dont on appelait à la cour des aides. La juridiction dite bureau des finances, dans le ressort de laquelle rentrait tout le contentieux du domaine, eut aussi un caractère judiciaire dérivé de la mission imposée aux officiers commis à la surveillance et à la perception du domaine royal. Les bureaux des finances devinrent de la sorte de véritables cours de justice. Les trésoriers de France, qui les composaient et avaient été à l’origine des comptables, n’étaient plus, malgré le nom qu’ils continuaient de porter, que des juges domaniaux statuant sur le contentieux des innombrables branches que comprenait le domaine, tant droits féodaux que produits des droits de la puissance publique, tels que les émolumens du sceau, des greffes et chancellerie, des actes judiciaires, des amendes, confiscations, etc. On comprend dès lors pourquoi les bureaux des finances renfermaient tout le personnel d’une cour ; ils eurent leur procureur du roi, leur greffier, leurs huissiers. La procédure qu’on y suivait était tout à fait juridique ; des avocats et des procureurs y représentaient les parties.

Chaque administration finit par avoir en France sa juridiction à elle, s’étendant à toutes les contestations sur les matières qui étaient du ressort de son service, rendant en première instance des sentences dont l’appel était porté à une cour supérieure. Les maîtres des eaux et forêts, auxquels appartenait la surveillance de la vente des bois, ainsi que de la pêche, qui veillaient au bon aménagement de cette partie spéciale et distincte du domaine, avaient une juridiction exclusive en matière de délits forestiers, de fraudes commises dans la gestion des eaux et forêts ; ils punissaient même, concurremment avec les juges royaux, jusqu’aux crimes et délits dont les bois avaient été simplement le théâtre. L’appel de leurs sentences appartenait au grand-maître des eaux et forêts, à cette juridiction supérieure qu’on appelait la table de marbre, et qui recevait