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officiers étaient d’abord des lieutenans ou vicaires du comte, des vicomtes, comme on les appela souvent, et dont quelques-uns s’attribuèrent dans la contrée dont ils étaient les sous-gouverneurs une souveraineté quasi indépendante. Devenus héréditaires et arrière-vassaux, ces lieutenans usurpèrent des droits presque régaliens. Le nombre de ces vicomtes et l’étendue de leur juridiction ayant varié suivant les provinces, l’inféodation de leurs charges donna naissance à des seigneuries d’un caractère variable, d’un rang plus ou moins élevé dans la hiérarchie des fiefs née de l’établissement du système féodal ; mais le duc ou le comte, c’est-à-dire le grand feudataire, n’en demeura pas moins en principe le chef du gouvernement de la province qu’il considérait comme son domaine. Partout où son autorité supérieure était reconnue, il avait le caractère de juge et d’administrateur suprême. Sauf en des cas rares qui donnaient lieu au recours au conseil du roi, arbitre avec les grands barons des contestations qui s’élevaient entre lui et les grands feudataires ou entre ceux-ci, c’était au tribunal du comte que les causes des nobles étaient portées ; l’on y était jugé par ses pairs, car le comte y siégeait entouré de ses propres vassaux. Chaque grand feudataire eut donc aussi sa cour à lui, où prenaient place les principaux officiers de sa maison. Il s’ensuivit que dans les grands fiefs comme dans le domaine royal l’importance des grands-officiers de la cour alla d’abord en croissant, ce qui aboutit presque partout à en faire les chefs de l’administration. Le sénéchal ou intendant de la maison du comte ou du duc eut dans la quasi-totalité des grands fiefs l’administration du domaine avec une juridiction supérieure, en sorte qu’il fut réellement le lieutenant ou vicaire du haut baron. Quand celui-ci venait à réunir en sa possession plusieurs provinces ou quand il avait des états trop étendus pour être administrés par un seul et même intendant, il établissait plusieurs sénéchaux, et assignait à chacun une circonscription. Ne résidant plus près du comte, ces officiers se transportaient de temps à autre près de leur maître pour lui rendre compte de leur gestion ; ils commandaient les hommes d’armes de leur sénéchaussée, tenaient des assises, surveillaient la perception des revenus du prince et levaient les tailles extraordinaires ; mais il eût été difficile aux sénéchaux, vu la multiplicité de leurs attributions, de descendre dans le détail de l’administration et de diriger par eux-mêmes les divers services qu’elle embrassait. Au-dessous du sénéchal furent conséquemment placés des préposés ou prévôts, qu’on appela dans le midi de la France des bayles, et qui en Normandie furent simplement désignés sous l’ancien nom de vicomte. Ces officiers inférieurs se partagèrent la régie des divers cantons du domaine seigneurial. Au temps des premiers Capétiens, les offices de prévôt et de bayle