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France, contrairement à leurs engagemens les plus solennels et les plus multipliés… » Assurément si cette guerre à outrance au nom de laquelle on s’insurgeait contre l’armistice de Versailles, comme si l’armistice avait arrêté la défense de province en pleine victoire, si cette guerre avait été possible, on n’en aurait pas voulu à M. Gambetta de la tenter. Les « gens de Paris » se seraient résignés à bien des sacrifices ; mais pour accuser si violemment les autres, pour nourrir de telles illusions, sur quoi comptait donc le dictateur de Bordeaux ? Où en était-il lui-même ? Moins d’une semaine avant l’armistice, il se trouvait à Lille prononçant des discours enflammés et il avait une conversation intime avec le général Faidherbe, dont il ne pouvait mettre en doute ni les lumières, ni le courage, ni le dévoûment. M. Gambetta prétendait qu’en continuant la guerre on arriverait à de bons résultats, et Faidherbe répondait aussitôt : « Je suis d’un avis opposé ! .. Sans doute la France est assez grande pour prolonger la lutte, mais Paris va succomber dans quelques jours. — Je crois, disait M. Gambetta, que Paris peut tenir encore un mois ou six semaines. — Je ne crois pas que Paris puisse tenir longtemps, et une fois Paris tombé il n’y a pas de résistance possible. Dans le nord, nous serions écrasés en un mois, et dans le midi quelle résistance espérer ? — Mais si vous n’espérez pas le succès, comment ferez-vous ? — Je ferai mon métier de soldat ; jusqu’à ce que je reçoive de mon gouvernement l’ordre de déposer les armes, je me battrai… » Voilà la vérité dite par un soldat.

C’est avec cet espoir et avec ces ressources qu’on parlait de guerre à outrance, et c’est pour mieux poursuivre cette guerre qu’on rendait un décret sur les élections, œuvre de colère, de parti et d’usurpation, qui n’était sous une autre forme qu’une protestation contre l’armistice. Ce qu’il y avait de plus grave, ce n’était pas même de se laisser aller dans un premier mouvement à ces pensées coupables ou chimériques, c’était de s’y obstiner, ne fût-ce que quelques jours, au point d’offrir à l’ennemi le spectacle d’une guerre civile entre deux fractions d’un même gouvernement, au risque de compromettre tout ce qu’on prétendait défendre. M. Gambetta ne voyait pas qu’il s’exposait lui-même, qu’il exposait le gouvernement de Paris aux plus dures humiliations, en même temps qu’il attirait les plus redoutables périls sur la grande ville, encore dans l’attente du pain qui lui manquait. Qu’arrivait-il en effet ? Lorsqu’on allait signer le décret des élections, un de ces baroques dictateurs de province, — tout s’est vu en ce temps-là ! — M. Glais-Bizoin disait naïvement et avec assez de sens : « Nous allons recevoir une leçon. » Et vraiment la leçon ne tardait pas. Tout ce que faisait M. Gambetta allait naturellement retentir à Versailles, et M. de