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princesse de son sang sur le trône orthodoxe ; de son côté, le clergé russe ne se fût jamais résigné à supporter une tsarine catholique. Du moins, tant qu’il subsista quelque débris du monde grec, les princes de Moscou trouvèrent dans leur communion des têtes couronnées. C’est ainsi qu’Ivan le Grand put épouser Sophie Paléologue et donner à son fils aîné Hélène de Moldavie. Quand la conquête musulmane eut anéanti à la fois l’empire byzantin et les principautés orthodoxes de Serbie, Bulgarie, Roumanie, le tsar de Russie se trouva l’unique souverain d’Europe qui professât la religion grecque. Isolé en face des dynasties catholiques de l’Occident, il dut renoncer à se chercher une fiancée en Autriche et en Pologne, comme en France ou en Suède. Une fois seulement Ivan le Grand maria sa fille Hélène au roi catholique Alexandre de Lithuanie ; mais les luttes politiques qui éclatèrent entre les deux pays, à la suite des discordes religieuses entre les deux époux, démontrèrent par de sanglans argumens l’impossibilité de telles unions. C’est seulement depuis qu’une partie de l’Europe s’est séparée de Rome qu’a pu s’abaisser, une barrière élevée par l’intolérance des deux vieilles églises.

De même, quand il y avait en Russie, outre le grand-prince de Moscou, des souverains indépendans à Mojaisk, à Tver, à Riazan, à Novgorod, le maître du Kremlin pouvait encore chercher une fiancée dans la famille des kniazes ses égaux et ses parens. Ordinairement le traité de paix qui mettait fin à une guerre féodale cimentait par quelque mariage la réconciliation des deux maisons ; mais, presque au même moment où les principautés orthodoxes de la péninsule danubienne périssaient sous le glaive des Turcs, les souverains de Moscou arrivaient à la réalisation de leur plan séculaire : la destruction de la dernière principauté indépendante en Russie. Dès lors ils prirent le titre supérieur de tsars ; princes, boïars, simples nobles, devinrent également leurs sujets ou plutôt leurs esclaves (rabi, kholopi). Pour les filles de leur sang, le célibat devint bientôt une règle rigoureuse. La religion leur interdisait les alliances avec les dynasties de l’Occident ; l’orgueil de leur naissance ne leur permettait pas d’entrer dans le lit d’un esclave. Elles durent vivre et mourir en vieilles filles dans le palais de leur père ou de leur frère aîné, à moins qu’elles n’adoptassent ou qu’on ne leur imposât un parti plus décidé, l’entrée au couvent. Réclusion pour réclusion, autant valait celle du monastère.

Quant aux tsars, en même temps que leur isolement s’était complété en Europe, leur pouvoir avait singulièrement grandi dans leur pays. Placés au-dessus des lois, ils devinrent la loi vivante, la règle des mœurs. Alors s’introduisit en Russie une coutume léguée par le despotisme byzantin au despotisme moscovite. Les historiens grecs. racontent qu’au IXe siède aine depuis impératrices, Euphrosine,