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ils n’auraient garde de réduire la science du gouvernement à l’art de donner une consigne et de la faire observer. Partout ailleurs les conjurations de casernes aboutissent à une dictature militaire ; en Espagne, elles se terminent par un appel au pays, par la convocation de cortès constituantes. Les vainqueurs de Cadix et d’Alcolea avaient hâte de parler au pays, et ils s’étaient à peu près entendus sur ce qu’ils devaient lui dire. Cet accord n’avait pas été facile à établir entre les coalisés ; il devait être plus difficile encore à maintenir, aucune opération politique n’étant plus laborieuse que l’inévitable règlement de comptes qui suit le triomphe d’une coalition. Trois partis s’étaient donné la main pour faire la révolution de septembre : l’union libérale, composée de monarchistes qui auraient voulu que la révolution ne fut qu’une demi-révolution, et qu’en 1868 l’Espagne prît pour modèle la France de 1830, — les progressistes, désireux d’une solution plus tranchée, — et les démocrates, les uns résolument et obstinément républicains, les autres disposés à se réconcilier avec la monarchie, pourvu qu’elle ressemblât beaucoup à la république et que le monarque ne fût pas un Bourbon. Sous peine de s’entre-dévorer, il fallait trouver les termes d’une transaction.

Les républicains furent bientôt mis hors de concours. Ils avaient pour eux des orateurs et des foules, mais point de généraux. Les épées avaient fauché, elles veillaient sur le grain. Elles rédigèrent leur programme, annoncèrent au pays qu’ayant travaillé pour lui elles entendaient lui assurer trois grands avantages, qu’il eût vainement espérés du gouvernement déchu, des garanties constitutionnelles à l’abri de toute insulte, l’entière liberté religieuse et le suffrage universel. Elles ajoutaient que le peuple était libre de décider à sa guise l’importante question de la forme du gouvernement, qu’elles se réservaient seulement le droit de le conseiller et de l’avertir, que dans leur pensée l’établissement de la république aurait de graves et périlleuses difficultés ; que le mieux était de se procurer un vrai roi constitutionnel trié sur le volet, qu’on pouvait s’en remettre à elles du soin de le trouver. Ces épées qui parlaient si bien étaient les maîtresses de la situation ; de ce moment, on put prévoir ce que feraient les cortès constituantes, élues par leur influence et dirigées par leurs avis : — elles allaient instituer une monarchie d’un genre nouveau, à la fois très libérale et très démocratique. La révolution de septembre devait doter l’Espagne d’une constitution presque républicaine et d’un roi qui serait presque un roi.

Cependant on ne tarda pas à se convaincre que le roi qu’on cherchait n’était pas facile à trouver, et on dut aviser aux moyens de