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à l’étude des allures diverses du cheval et de l’homme. Le principe de la méthode consiste dans la transmission des pressions par le moyen d’un tube de caoutchouc fermé aux deux bouts et rempli d’air. Les deux bouts du tube étant fermés par deux membranes, à chaque pression qui s’exerce sur l’une correspond instantanément un gonflement de l’autre, et c’est ainsi que les mouvemens des muscles peuvent agir à distance sur des leviers qui les inscrivent le long d’une bande de papier enfumé. C’est là une application nouvelle de cet admirable procédé qui, sous le nom de méthode graphique, commence décidément à se généraliser et à dominer toutes les sciences d’observation, — procédé automatique et pour ainsi dire impersonnel, qui force les phénomènes à livrer eux-mêmes leurs secrets, qui donne un langage à la pluie et une écriture au vent.

L’allure la plus simple de l’homme est la marche : c’est le mode de locomotion où le corps ne quitte jamais le sol, tandis que dans la course et dans le saut il s’en détache entièrement et reste suspendu pendant un certain temps. Quand nous marchons, le poids du corps passe donc alternativement d’un pied sur l’autre, et se trouve porté en avant pendant que les jambes se dérobent sous lui comme les rais d’une roue qui se succèdent et se remplacent sous le moyeu. L’intensité de la pression des pieds sur le sol varie avec la vitesse de la marche et avec la grandeur des pas. D’autre part le corps éprouve, sous forme d’oscillations horizontales et verticales, la réaction des appuis alternatifs des deux pieds, il subit un véritable tangage compliqué d’une torsion autour de la colonne vertébrale, tandis que le bassin se balance dans une sorte de roulis. Pour débrouiller ces effets divers, un des élèves de M. Marey, M. G. Carlet, a eu recours à une série d’appareils ingénieux. C’est d’abord la chaussure exploratrice, dont la pièce essentielle est une forte semelle de caoutchouc qui recèle une chambre à air; quand le pied appuie sur le sol, l’air est comprimé dans la semelle, et un tube transmet la pression aux leviers indicateurs. Chaussé de ses bottes exploratrices, l’expérimentateur se promène d’un pas régulier autour d’une table où il a installé l’appareil enregistreur, et voit s’y dessiner la pression alternative de ses pieds. M. Carlet a constaté de cette façon que même dans la marche ordinaire l’effort qui écrase la semelle est supérieur au poids du corps, qu’il dépasse quelquefois de 20 kilogrammes; dans la course et dans le saut, cet excès de pression est beaucoup plus considérable, ainsi qu’on devait s’y attendre, puisqu’on mesure ici l’effet d’un poids qui retombe après avoir été soulevé.

Pendant la course, les tubes de caoutchouc destinés à transmettre la pression qui s’exerce sur les semelles sont fixés le long des jambes, et l’expérimentateur tient à la main un enregistreur portatif. En même temps, il est coiffé d’une calotte à levier mobile qui enregistre les os-